ÉPISODE 5 : MAEATA REVOIT UN COPAIN EN CHAIR ET EN OS !

Vendredi 25 Mai 2018 

ÉPISODE 5 : MAEATA REVOIT UN COPAIN EN CHAIR ET EN OS ! 

J’ai passé une horrible semaine, le sommeil m’avait abandonnée, si bien que j’ai pris rendez-vous avec le somnologue. J’ai eu son adresse par mon ami Kadvael. 
Kadvael et moi, c’est une longue et belle histoire. Nous étions ensemble à l’école primaire et au collège. Nous avons gardé de bons souvenirs de toutes ces années. Il me connaît comme sa poche, non, mieux que sa poche, vu que lui, sa poche, c’est un fourre-tout. Il était déjà comme ça plus jeune, il avait des trésors dans sa poche et dans la cour de récré, nous en faisions l’inventaire parfois. Il en sortait d’abord son téléphone suisse, c’est à dire, un téléphone qui possédait un petit canif, des ciseaux et un ouvre capsules. J’aurais bien voulu avoir le même, mais il m’avait dit que c’était compliqué parce que si le sien était conçu pour tromper les portiques de sécurité, ceux qui étaient distribués en Bretagne, pays que nous habitions à l’époque, sonneraient. Il ne m’avait jamais expliqué comment sa petite merveille pouvait jouer les fantômes. 
À tous les moments de ma vie où j’avais eu besoin de son soutien, il avait répondu présent. Je l’avais appelé au secours après ma commande à la boutique des copains, parce que j’étais épouvantée par ce qui m’attendrait quatre semaines plus tard. Il avait tenté de me rassurer en arguant du fait que si mon futur copain ne me convenait pas après sa livraison, je pourrais toujours faire jouer la garantie et le rendre à la boutique, et que j’avais trois mois d’essai, ce qui d’après lui, suffirait largement pour savoir s’il me convenait ou pas. Lui, n’avait jamais fait appel à ce service, il m’avait dit un jour, alors qu’on en discutait, qu’il préférait les incertitudes que la vie lui offrait avec des personnes qui existaient dans la vie, des personnes semblables à lui, faites de chair et de sang. Aujourd’hui, je déjeunais avec Kadvael qui venait à Paris avant de me rendre à mon rendez-vous avec le somnologue. Alors que j’aurais pu lire l’heure sur mon ordinateur, je consultai l’affichage numérique qui égrenait les minutes, presque midi, encore une demi-heure à attendre l’arrivée de Kadvael. Elle marquait aussi l’heure de New York, et il y était six heures du matin. Pourquoi je vérifiais l’heure de New York ? Eh bien, parce que d’ici deux semaines, j’y partais pour participer à la réunion annuelle de mon agence de publicité, qui s’y déroulait cette année. New York était devenue une cité indépendante, pour des raisons géographiques, car depuis la montée des eaux, elle formait une île et pour des raisons culturelles. Elle était classée en ville internationale, comme Jérusalem et comme bien d’autres villes qui appartenaient à la communauté terrienne, compte tenu de l’origine diversifiée de leurs habitants et de leur histoire.  Ces villes permettaient à leurs habitants de vivre libres, et ce sur tous les plans, moraux, religieux, sexuels. Il n’y avait aucun tribunal, les conflits entre les citoyens étaient réglés par une assemblée d’habitants, renouvelée chaque année par tirage au sort. Chaque citoyen savait que tôt ou tard, il serait à son tour membre de l’assemblée. L’implication des citoyens dans la vie quotidienne était totale. La ville avait une complète autonomie alimentaire, les toits des immeubles, les caves et les anciens parkings avaient été transformés en champs agricoles. Les déchets ménagers étaient recyclés par chaque foyer. L’argent qui avait été roi autrefois, avait été supprimé des échanges. Chaque citoyen recevait la part qui lui revenait en fonction de ses besoins, besoins qui étaient définis par son âge et son état de santé. 
J’adorais me retrouver à New York, je voyageais, avec les autres membres de l’agence, en navette, et en une demi-heure de voyage, nous étions plongés dans un monde à part, un monde idéal à mes yeux. Les relations entre les citoyens étaient apaisées, chacun vaquait à ses occupations à la fois choisies et acceptées par la communauté. Les métiers se modifiaient au fil du temps et chaque citoyen était tenu d’assumer la totalité des métiers indispensables à la communauté, au cours de son existence. Chacun devait tenir à jour un planning qui lui laissait une certaine liberté au niveau de l’année ou des années concernant tel ou tel métier.
Je trouvais particulièrement comique que mon agence ait gardé son siège mondial dans cette ville parce que la publicité n’y avait plus cours depuis longtemps. Les citoyens avaient supprimé le superflu, or la publicité jouait sur le superflu et n’existait que par le superflu ! Restait la définition de ce qui était utile ou superflu. C’était le sujet de notre prochaine réunion. Ces pensées qui m’avaient tout à coup transportée à New York m’avaient procuré une évasion, temporaire certes, mais cela m’avait fait du bien. Midi trente, je bondis de mon siège et me précipitai vers l’ascenseur qui me transporta en quelques secondes jusque dans le hall de l’agence. Kadvael m’attendait. Nous nous étreignîmes. 
– On sort ? Tu es d’accord ?
– Oui, OK. 
On est allé déjeuner dans un resto tout près, qui proposait des plats traditionnels bretons, dont des crêpes. Après avoir dégusté une crêpe aux quatre garnitures, je me suis exclamée :
T’as bien fait de proposer ce resto, ça me change de la cafet’ où c’est la diététique qui est aux commandes et de temps en temps, je n’en peux plus de manger sainement, j’ai envie de gras, de sucré, de saloperies. Tu trouves encore des bonbons en Bretagne ? 
– Mais bien sûr, des caramels au beurre salé, les niniches aux fruits, les pâtes de fruits et bien d’autres encore. Pour préserver nos traditions culinaires, toutes les bonnes choses ont été classés au patrimoine Breton. Les crêpiers se battent pour que les crêpes entrent aussi dans le patrimoine. C’est un peu compliqué à cause de la variété des garnitures. Moi, je suis partisan de classer seulement les crêpes traditionnelles, il faut laisser les créatifs continuer à en inventer d’autres. Tu as déjà mené une campagne sur des aliments ?
– Oui, bien sûr, par exemple sur des barres de céréales aux fruits, qui peuvent remplacer les repas. J’en ai chez moi le soir quand j’ai la flegme de me préparer ou de commander un dîner, je mange quelques barres. 
 Beurk, moi, j’aime bien manger des vrais repas, d’autant plus que souvent, à midi, je n’ai pas le temps, parce que je préfère faire la journée continue, donc je mange un sandwich. J’ai trouvé un boulanger qui en livre des super bons, le jambon breton a bien progressé, on trouve maintenant du jambon de cochons nourris aux algues, faudra que tu goûtes, c’est super ! Ce jambon me fait penser au jambon espagnol, le Bellotaqui vient de cochons nourris aux glands. 
– Ah ouais, je connais, tu m’enverras du jambon breton ? 
– Tu ne viens pas en Bretagne ? 
– Pas très souvent, faudrait que j’aille voir les parents, ils me réclament. 
– Je les ai vus il n’y a pas longtemps, ta mère, on lui donne trente ans, elle est magnifique.
– Ouais, je sais, parfois je me demande si moi, je ne parais pas plus vieille qu’elle, c’est perturbant. 
Mais non, c’est faux, tu es sublime ! 
Et toi, tes parents, ça va ?
Ouais, mon père est un peu désespéré depuis l’arrêt de la pêche. Il continue à aller en mer, mais il a perdu sa flamme. 
 On a continué à bavarder comme les vieux copains qu’on était et quand je suis sortie du  resto j’avais retrouvé mon optimisme d’antan. Du coup, je me suis demandé si je ne devrais pas déménager et m’installer en Bretagne, oui mais... quid du copain qui allait débarquer très prochainement dans ma vie ? Cette question m’a illico replongée dans des affres d’incertitude. Je n’ai rien pu faire de l’après-midi…

À suivre… Prochain épisode le vendredi 1erjuin 2018… New York, la cité des rêves… 

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