RAPT : UNE NOUVELLE POLICIÈRE EXCLUSIVE !
Bonjour à vous tous et toutes qui ouvrez mon Blog !
Je vous souhaite un très joyeux Noël.
Vous trouverez ci-dessous votre cadeau.
J'espère que ce récit vous donnera l'envie de découvrir les enquêtes du commissaire Vétoldi et de Samantha Gosvenor.
À bientôt
Susan Degeninville
UNE NOUVELLE POLICIÈRE EXCLUSIVE
SUSAN DEGENINVILLE
RAPT
Nouvelle policière hors-série
© Susan Degeninville, 2022
Tous droits réservés
https://sdegeninville.com
https://petitspolarsentreamis.blogspot.com
Éditeur : Marie Auberger
SASU S. DEGENINVILLE
18 Rue des Lavandières
56170 QUIBERON
Couverture : Arrangement par l’auteure
Photographie : By Clicsouris
- Self-photographed, CC BY-SA 3.0.4
Prologue
Charles-Édouard tendit l’oreille. Le journaliste de la radio venait de citer son nom. Il se précipita sur son ordinateur pour récupérer l’annonce. Il enclencha le replay :
L’épouse de Monsieur Charles-Édouard Trussandeau, Ministre des Comptes publics, Madame Catherine Trussandeau a été kidnappée.
Les faits se sont déroulés ce matin, alors que la victime se trouvait sur le quai de la station de métro, Pont-Neuf. Nous attendons une déclaration du Ministre, d’un instant à l’autre.
À ce moment-précis, le téléphone fixe sonna.
— Monsieur Trussandeau ?
— Lui-même.
— Vous avez écouté les nouvelles, j’en suis certain. Je suis l’un des kidnappeurs de votre épouse. Si vous ne prévenez pas la police et que vous versez une rançon de 5 millions d’Euros, tout se passera bien, sinon…
L’inconnu raccrocha. Après une courte hésitation, Charles-Édouard Trussandeau prévint l’officier de police chargé de sa sécurité.
Celui-ci lança la procédure prévue.
1
Prise d’otage
Après avoir reposé le téléphone sur son socle, Charles-Édouard Trussandeau prit sa tête dans les mains. Que faire ? Il ne savait pas.
Ah, si, il devait annuler sa partie de golf. Être vu sur le parcours de Saint-Cloud serait du plus mauvais effet alors que tout le monde l’imaginait effondré, perdu…
Après tout, l’inconnu lui apportait sur un plateau une solution qu’il n’attendait plus !
Pendant des années, il avait imaginé, il avait échafaudé des plans pour se débarrasser de sa femme parce qu’elle l’encombrait et voilà
que tout à coup, un inconnu prétendait la retenir en orage et lui demandait une rançon pour la lui rendre.
Ses mains agrippèrent les bras de son fauteuil. Son rêve de toujours : Être libre enfin ! et garder l’intégralité de l’argent qui était à lui et malheureusement aussi, un peu à elle.
C’était sa faute, sa faute à elle. Elle était encore allée se fourrer dans une situation impossible. Eh bien, il ne bougerait pas le petit doigt pour la sortir de là. D’autant plus qu’il n’était pas certain que le ravisseur mette sa menace à exécution. Il ne la tuerait peut-être pas… Ah mais si, il le fallait ! Raison de plus pour ne pas bouger. Il avait fait son devoir en prévenant la police, c’était suffisant.
5 000 000 d’euros ! D’où ces gens tiraient-ils ce chiffre délirant ?
Charles-Édouard prit un papier, il y inscrivit, l’un après l’autre, les éléments qui constituaient leur patrimoine et leur valeur.
Les maisons, l’appartement, le portefeuille boursier.
Il calcula le total. Il correspondait exactement au montant de la rançon. C’était à croire que l’inconnu s’était renseigné sur l’état des biens du mari de celle qu’il avait eu l’intention de kidnapper !
Pourtant, Charles-Édouard avait refusé d’étaler dans la presse, l’étendue de sa fortune comme de nombreux élus de son parti politique, R. Alors, comment cela était-il possible ? En réalité, le secret lui revenait à elle. C’était à la demande expresse de Catherine qu’il avait décidé de ne pas livrer en pâture aux journalistes, la composition de leurs biens communs. Ils payaient l’impôt sur la fortune immobilière.
Fortune était un bien grand mot pour parler de cet argent patiemment mis de côté par des emprunts asphyxiants et par de malheureux héritages. Dans cette soi-disant fortune, se trouvait l’argent qui lui venait de son père. Avec cet argent, il avait acquis un appartement dans le quartier latin. Il y avait amené sa maîtresse de l’époque. Son épouse l’avait fait tourner en bourrique à force de
lui demander de s’en séparer. Elle était arrivée à ses fins,
la diablesse ! Il l’avait vendu. Elle finissait toujours par obtenir ce
qu’elle voulait, car il se laissait faire pour avoir la paix.
Mais cette fois, était pris qui croyait prendre !
Elle ne serait plus là avec ses jérémiades perpétuelles. Il avait encore à ses oreilles, la brutalité de ses reproches, l’injustice de ses injures. Les mots de sa dernière scène tournaient dans sa tête :
— Je ne suis pas ton souffre-douleur !
Il y a trente ans que tu me martyrises ! Tu n’es qu’un salopard ! Un salaud ! Une crapule… Ta cruauté, ta cruauté… Tu ne changeras jamais !
Plus tard, dans la nuit, elle lui avait murmuré, en rapprochant son corps nu du sien :
— Pourquoi tu ne m’aimes pas ?Pourquoi tu ne m’as jamais aimée ?
Il avait protesté :
— Mais si bien sûr, que je t’aime…Mais nous ne nous comprenons pas.
Ils ne se comprenaient pas, c’était le terme qui convenait à leur relation folle. De quoi avait-il discuté avant cette énième scène ?
Mais oui, il s’en souvenait… Il avait énuméré les qualités qu’il rechercherait chez une femme au cas où il deviendrait veuf.
C’était son vieux rêve, être veuf. Être enfin seul. Pouvoir se sentir libre. Ne plus subir sa surveillance, les fouilles dans ses poches de veste, ses regards soupçonneux quand il portait le parfum d’une autre. Il avait dit : Je chercherai une femme dotée d’un excellent QI et qui aurait une excellente présentation.
Il avait réfléchi, puis il s’était tu, car il ne lui venait pas d’autres qualificatifs. Alors, elle avait hurlé :
—Ah, parce que tu ne me trouves pas intelligente ! Je te mets au défi de trouver une femme qui possède un QI supérieur au mien. Tu ignores ce qu’est l’intelligence, tu confonds intelligence et culture. Ce n’est pas la même chose. D’ailleurs, tu n’es pas capable de définir l’intelligence, car toi-même, tu n’es pas intelligent ! Tu ne peux pas apprécier mon intelligence parce qu’elle est faite d’idées, de créativité ! Va-t’en ! Je ne veux plus te voir ! Je serais mille fois plus
heureuse si j’étais seule ! Tu ne penses qu’à me faire du mal ! Cherche-toi une autre femme ! Rien ne changera, tu seras toujours
aussi égoïste. La nuit avait passé. Il avait très mal dormi. Le matin, il s’était réveillé, flapi et courbaturé comme si elle l’avait battu. Ils
avaient pris leur petit-déjeuner ensemble. Il lui avait dit qu’elle n’aurait pas dû l’insulter. Elle lui avait rétorqué qu’il était incapable de se remettre en cause et que tout venait de lui.
Il lui avait dit qu’elle était à bout de nerfs parce qu’elle travaillait trop.
Son café, devant lui, refroidissait. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Huit heures. Il aurait dû être parti en direction du golf. C’était à cause de ce coup de téléphone, toute sa journée était foutue. Il sortit son stylo, Mont-Blanc et son agenda et il écrivit :
1- Mon épouse a été enlevée.
2 - Elle est actuellement entre les mains de son ravisseur.
3 - Il me demande une rançon de 5 000 000 euros pour la libérer.
Que dois-je faire ? Que puis-je faire ?
Écrire le soulageait. Tout ce qu’il venait d’apprendre était consigné en trois lignes sur une page vierge de son agenda. Il ne notait rien sur un agenda, enfin presque rien, sauf dans le carnet d’adresses qui y était annexé.
Des numéros de téléphone, celui de sa maîtresse, annoté d’un laconique perso pour que Catherine ne puisse pas l’identifier. Elle
était tellement jalouse. Allons ! Il était plus que temps de
partir ! Il verrait plus tard quoi faire. À moins de laisser le destin agir? Si elle devait mourir aujourd’hui, c’était qu’elle aurait dû
mourir quel que soit l’endroit où elle se serait trouvée. Par exemple, elle aurait pu mourir dans son bain. Elle y restait des heures. Il lui était arrivé de s’y endormir.
Bien des fois, il avait même pensé qu’elle n’en ressortirait pas vivante.
Charles-Édouard se leva, il déposa ses deux bols dans la machine à laver la vaisselle. À défaut d’une partie de golf, il allait faire un
tour en voiture, cela le détendrait d’être derrière son volant. Il enfila son manteau, son écharpe, descendit l’escalier, ouvrit la porte du garage. Il démarra, une fois que le moteur soit chaud.
Subitement, il pensa qu’il n’aurait plus besoin de changer de voiture, maintenant qu’elle ne serait plus là à le lui réclamer. Elle l’avait exigé, disant qu’elle ne supportait pas de monter dans une voiture où il avait transporté sa maîtresse. Si elle avait su…
Ce qui s’y était passé… Il n’y avait pas bien longtemps avec une autre que celle à laquelle elle faisait allusion ! Elle était loin d’être à
jour en ce qui concernait ses relations,extraconjugales. Un sourire carnassier découvrut ses dents parfaitement alignées. Il
ne changerait pas de voiture et ça, c’était une excellente nouvelle !
2
QG des kidnappeurs
Pat’ rejoignit Jean-Jean dans l’ancienne cuisine de l’appartement où ils s’étaient installés après l’enlèvement.
— Faut qu’on avise. Le mari refuse de payer. Je te parie qu’il est même content d’être débarrassé de sa bourgeoise ! Imagine un peu la suite : Nous tuons sa femme, nous n’avons pas le fric. Il est gagnant sur tous les tableaux. Libre et friqué. Je commence à me demander si on a fait le bon choix.
Jean-Jean brandit une canette de bière, il avala une gorgée du liquide mousseux qui lui laissa une moustache qu’il effaça d’un
revers de main.
— Qu’est-ce que tu décides ?
— Moi, je te dis qu’il finira par payer. Il pourra pas laisser croupir sa bonne femme, ici. On pourrait envoyer des photos de sa femme à la presse, genre, le visage tuméfié, le bâillon sur la bouche, le corps ficelé comme un rôti et pour couronner le tout, une pancarte fixée sur elle, marquée :
Charles-Édouard, tu es un assassin.
— Ouais, c’est ça et on aura vite les flics qui rappliqueront.
— Comment veux-tu qu’ils viennent nous chercher jusqu’ici ? Personne ne sait que quelqu’un se cache derrière les fenêtres murées de cet immeuble délabré promis à la démolition. Dehors, c’est la zone. Je te dis, faut trouver le moyen de le faire payer ! S’il veut pas payer, c’est qu’il veut pas la récupérer. On pourrait lui proposer de la
supprimer contre paiement, en se mettant d’accord sur un prix ? Ces gens-là se foutent de tout. C’est des mecs, ils ont pas de cœur.
Qu’est-ce t’en dis ?
— J’en dis qu’il se laissera pas faire. N’oublie pas qu’il fait dans la politique. C’est tous des vicelards dans ce monde-là. Ils se foutent de tout, y’a qu’une chose qui compte pour eux, le pouvoir, et pour lui, c’est son poste de Ministre. Ah, mais ouais, c’est par là qu’il faudrait attaquer.
— Comment ça ? T’aurais une idée ?
— Laisse-moi réfléchir. Faudrait gamberger sur un truc qui ferait qu’il aurait la trouille de plus être Ministre si ça se savait.
— Tu crois pas que tout simplement, s’il continue à refuser de payer, ça va pas finir par être suspect ?
— Au contraire, les gens vont penser qu’il a du courage, qu’en ne cédant pas, il risque de perdre sa femme. Ils vont le plaindre, ces pauvres cons. Quand je pense qu’on a les billets pour le Paraguay et qu’on avait prévu de rendre visite à Fred. Paraît qu’il réussit bien, là-bas. Qu’est-ce qu’on va faire des billets ?
— Minute, Papillon, les billets ne sont pas pour tout de suite. Faut qu’il paie, qu’il ait pas le choix. On a fait les calculs, il a de quoi régler la note. La solution serait peut-être de l’enlever, lui aussi ?
Pat’ se demanda si son comparse n’était pas devenu cinglé :
— Tu divagues, complètement, là. Il circule pas sans son officier de police. Bien plus difficile à enlever que sa connasse de bourgeoise qui prenait le métro et qu’avait que sa carte de transport sur elle. Tu te rends compte, une nana qui pèse 5 millions d’euros !
Jean-Jean ne répondit pas, il venait de percevoir des gémissements qui venaient de la pièce à côté. Il eut tout à coup une idée lumineuse. Il fallait l’associer, elle ! Il sourit. C'était ça, LA solution. Il se leva en repoussant bruyamment sa chaise. Il passa dans la pièce voisine, la femme le regarda entrer. Il s’approcha d’elle et dit d’un ton aimable :
— Allez, si on faisait ami-ami ? On a besoin de toi, ton gars veut pas payer. On se demandait avec Pat’ si ça l’arrangeait pas qu’on t’ait enlevée. Qu’est-ce que t’en penses, la vieille ?
Jean-Jean ôta le bâillon de la bouche de la prisonnière. Trois jours qu’ils la retenaient. Elle avait les cheveux en bataille, son visage portait les traces de la fatigue et de l’angoisse. Entre la femme qu’ils avaient encadrée sur le quai du métro et celle qu’il avait sous les yeux, on aurait dit que dix ans s’étaient écoulés.
Elle passa sa langue sur ses lèvres. Il comprit et il lui tendit la bouteille d’eau qui était posée sur le sol. Le regard de la femme se posa sur ses mains entravées. Jean-Jean reposa la bouteille, dénoua la corde. Elle remua ses mains, tourna ses poignets, étendit ses bras, en soupirant :
— Merci, ça fait du bien.
Elle attrapa maladroitement la bouteille qui manqua glisser de ses mains. Elle but avidement. Du liquide coula sur son cou. Elle écarta la bouteille d’une main et avec l’autre, elle s’essuya.
Jean-Jean revint à la charge :
— Si vous voulez sortir d’ici, faut nous aider à le faire payer.
Elle hocha la tête comme pour l’approuver. Elle répondit :
— Il est si dur. Il a quelqu’un d’autre depuis longtemps, mais il change souvent et il me revient entre chaque liaison. Il faut
attendre, je vais lui manquer un jour ou l’autre.
— Possible, mais nous, on peut pas attendre.
— Il serait nécessaire de mettre sa carrière en péril, c’est tout ce qui compte pour lui, sa carrière. Il ne vit que pour ça. Je vais y réfléchir.
Moi, ça me plairait bien de sortir d’ici. En attendant, est-ce que je pourrais aller aux toilettes ?
— Je vous apporte le seau, mais au premier geste suspect, je vous tire dessus, compris ?
Catherine blêmit devant le revolver qu’il pointa brusquement sur elle. Elle serra les dents, bougea ses pieds qu’il venait de délivrer. Elle se concentra sur l’effort à faire pour se lever. Elle commença par s’assoir avec précaution. Sa tête tournait, elle prit
son temps.
Il la bouscula :
— Dépêche-toi, j’ai autre chose à faire
qu’à t’attendre !
Elle le regarda avec le plus de calme possible :
— Je ne peux pas, j’ai la tête qui tourne. Que feriez-vous si je m’évanouissais ?
Il ne répondit pas, impressionné, malgré lui, par son flegme.
Elle était blindée, mais elle était restée courageuse… Il sortit pour la laisser se soulager.
Une fois seule, elle respira un grand coup, et s’adressant à elle-même, murmura : Faut que je m’en aille d’ici et presto, sinon, je vais mourir.
Elle sourit en imaginant la surprise de Charles quand elle entrerait dans l’appartement, après s’être arrêté chez le gardien pour prendre la clé… Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus peur de lui et de ses menaces. Elle en jouissait même. Elle le narguait en restant en vie alors qu’il voulait tellement sa mort…
3
Un divertissement bienvenu !
— Chevauche-moi, chevauche-moi à l’infini. C’est bon, c’est si bon. J’aimerais mourir dans un moment comme celui-là.
Charles-Édouard attrapa les cheveux de la jeune femme allongée sur lui, puis il serra fort le corps délicieusement ferme. Dans un
ultime gémissement, il engloutit sa vie. Il revint à lui, quelques secondes plus tard et presque immédiatement, il repoussa sa partenaire. Elle émit une plainte :
— Doucement, s’il te plaît, je n’aime pas être bousculée. On est bien, non ? C’était super. Tu sais que t’es drôlement doué ?
Touché par le compliment, Charles-Édouard se rengorgea en enfilant son pantalon. Il chercha une réponse, mais il y renonça, faute de temps. Il n’avait pas une minute à perdre !
Le Conseil des Ministres se réunissait dans une heure. Son chauffeur allait garer la voiture devant son immeuble, dans la contre-allée. Il grommela :
— Allez, dépêche-toi ! Tu sais bien que tu ne peux pas t’installer ici. Que dirait ma femme si…
Delphine éclata de rire :
— Ta femme ! En voilà une bien. bonne ! Ta femme, elle est prisonnière de ses ravisseurs. Tu ne veux toujours pas payer ?
— Ah ça, non ! Ils peuvent se la garder.
Avant de partir, Charles-Édouard jeta un regard circulaire sur sa chambre à coucher. Delphine émergeait lentement du lit conjugal. Ses longs cheveux blonds encadraient son visage de poupée. Elle était vraiment ravissante. Ses grands yeux bleus pétillaient de jeunesse… Il lui sourit. Elle s’adressa à lui, d’un ton câlin :
— Quand m’emmènes-tu à l’opéra ? Maintenant que ta femme n’est plus ici, je peux t’accompagner, ce serait idiot de perdre sa place.
— Il n’en est pas question ! Tu es complètement folle, ma pauvre fille ! C’est déjà très imprudent de ta part d’être venue me voir chez moi. Tu oublies ma fonction. Je suis Ministre en exercice. Cela serait du plus mauvais effet de ne pas afficher une mine défaite et attristée. Jusqu'à présent, les médias ont bien interprété ma décision de ne pas payer la rançon, mais j’ignore combien de temps ils vont me laisser tranquille. Allez, prépare-toi, je ne veux pas que tu traînes ici. Tiens, voilàla clé. Tu fermeras en partant et tu mettras la clé dans une enveloppe que tu glisseras dans ma boîte à lettres.
— Pourquoi je ne pourrais pas la garder ? Ce serait plus pratique. Je pourrais revenir te voir ce soir, te tenir compagnie. Ce doit être dur pour toi d’être seul, mon amour.
Delphine était sortie du lit et elle caressait tendrement les épaules de Charles-Édouard. Il faillit céder, rester quelques instants de plus, mais se reprenant, il se dégagea :
— Laisse-moi, je dois partir. Mon chauffeur m’attend en bas. Le Premier Ministre m’a demandé de passer le voir avant le Conseil.
Je t’appellerai plus tard. Fais comme je t’ai demandé pour la clé.
À bientôt.
Une fois la porte claquée, Charles-Édouard sentit
revenir toute son énergie. Cette fille commençait à l’agacer !
Pour qui se prenait-elle ? Elle n’était rien d’autre pour lui qu’un divertissement. Il était débarrassé de Catherine, ce n’était pas pour qu’une autre prenne sa place. En plus, le QI de cette petite était bien bas, évidemment elle compensait par un beau corps, rond, lisse
et ferme, comme il les aimait, mais ce n’était pas suffisant pour prétendre partager sa vie. Il murmura, en descendant les quelques
marches qui le séparaient de la porte d’entrée :
— Je connais les qualités qu’aura maprochaine compagne. Un super QI, une excellente présentation, pas bavarde, ne se plaignant jamais. Une femme souriante avec des dents parfaites. J’aime que les gens
autour de moi soient gais. Je suis capable de rendre une femme heureuse. Seule Catherine pense et dit le contraire. Delphine avait l’air comblée tout à l’heure. Allons, allons, il faut balayer ces pensées. Dans un quart d’heure, je serai devant le Premier Ministre.
Le Ministre sifflotait lorsqu’il quitta l’immeuble. Dorin, son chauffeur, se précipita pour lui ouvrir la porte arrière. Il monta dans la voiture d’un noir rutilant.
— Bonjour Dorin, tout va-t-il comme vous le souhaitez ?
— Oui, Monsieur le Ministre et vous, vous avez pu vous reposer un peu ?
Charles-Édouard eut une minute de surprise, puis il adopta un air compassé et grave avant de répondre :
— Je ne me suis endormi qu’au petit matin après avoir avalé un comprimé, et je me suis réveillé en retard, si bien
que je n’ai pas eu le temps de me raser. Il faut que je finisse de me préparer.
À peine eut-il terminé sa phrase qu’il sortit son rasoir qui ronronna bientôt. Quand le chauffeur immobilisa la voiture dans la cour de la
résidence du Premier Ministre, rue deVarenne,
Charles-Édouard Trussandeau était prêt. Il descendit de sa voiture de fonction, puis il gravit lentement les marches du perron en passant devant les huissiers, il se dirigea ensuite vers le bureau du premier Ministre.
Un quart d’heure plus tard, il en ressortait, extrêmement abattu, les mots cruels et inattendus tambourinaient dans sa tête :
— Cher ami, merci d’être venu jusqu’à moi. Je voulais vous voir en tête à tête. Je tenais à vous dire…
Le Premier Ministre s’était arrêté comme s’il était trop ému pour continuer, puis il avait enchaîné d’une traite :
— L’enlèvement de votre épouse est politiquement du plus mauvais effet. Nous sommes à quelques mois de la présidentielle. Vous savez que j’ai l’intention de me présenter. Je me dois à mon parti et à mon
électorat. Aussi, cher ami, je tiens à vous réaffirmer que j’apprécie votre travail à sa juste valeur. Cependant, votre situation personnelle n’est pas viable, elle ne vous permet plus de mener à bien les obligations de votre fonction. Aussi, ai-je décidé de mettre fin à votre engagement à mes côtés. Je vous fais cependant une promesse :
Si cette malheureuse affaire venait à trouver une solution rapide et heureuse, je vous renommerai immédiatement au gouvernement.
Soyez assuré, cher ami, de ma compréhension et de ma compassion. Sachez aussi que vous pouvez compter sur mon soutien personnel.
Puis le Premier Ministre avait ajouté, à voix basse, tout en prenant le bras de Charles-Édouard :
— Charles, si vous voulez mon avis, faites ce qu’il faut pour récupérer votre femme, payez la rançon. La police sera à vos côtés et les malfaiteurs seront mis hors d’état de nuire. Tout ira bien.
Un poids énorme s’était abattu sur les épaules de Charles-Édouard. Il était sorti sans un mot et il était retourné auprès de son chauffeur :
— Je n’assisterai pas au Conseil des Ministres aujourd’hui. Je vous prie de me raccompagner à mon domicile.
Dorin n’osa pas demander d’explications. Il démarra. Jetant un coup
d’œil dans le rétroviseur, il remarqua que son patron avait vieilli de dix ans en un quart d’heure. Ses joues s’étaient affaissées. Le succès ne les liftait plus. Son regard autrefois brillant était devenu terne.
Quelques minutes plus tard, il stoppait la voiture dans la contre-allée d’une des avenues les plus huppées du septième arrondissement, à proximité immédiate du Champ de Mars.
Dans le jardin, les arbres étalaient fièrement leur feuillage doré. C’était déjà l’automne.
Les adieux furent brefs.
La porte de l’immeuble parut très lourde à Charles-Édouard. Il ouvrit la boîte à lettres, la clé ne s’y trouvait pas. Il monta rapidement
l’escalier. La serrure de son appartement était fermée. Surpris, après avoir ouvert la porte, il fit le tour des pièces, Delphine n’était plus là. La petite peste s’était envolée...avec sa clé…
L’ex-Ministre s’effondra sur le canapé de cuir rouge. Au bout d’un moment, il lança un chapelet d’injures :
— Salope, espèce de salope ! Tout ça, c’est ta faute ! C’est à cause de toi que je me suis fait virer comme un malpropre ! Rien de tout cela ne serait arrivé si tu ne t’étais pas fait enlever. Je commence à me demander si tu ne l’as pas fait exprès pour m’emmerder, pour me nuire, pour nuire à ma carrière. Ça fait des années que tu ne penses qu’à ça : M’abattre !
Charles-Édouard serra les poings de rage, prêt à frapper… Mais elle n’était pas là. Il prit sa tête dans les mains et se mit à pleurer comme un enfant. Le téléphone sonna, il ne bougea pas. La voix du kidnappeur se fit entendre sur le répondeur :
— Demain, à midi, vous devez nous remettre la somme demandée en billets de 500 euros enveloppés dans des journaux. Le paquet devra être déposé dans la poubelle la plus proche du plan de métro affiché sur le quai, sur la ligne du RER A, en direction de Saint-Germain-en- Laye, à la station La Défense. Si demain, vous ne l’avez pas déposé, la photo de votre femme paraîtra, ainsi que votre photo accompagnée de la femme avec qui vous vous trouviez cette nuit. Bien sûr, les photos seront datées.
Charles-Édouard se précipita vers le téléphone, mais quand il décrocha, seule la sonnerie lui répondit.
Il devint livide. Perdant l’équilibre, il faillit tomber.
Une photo de lui et de Delphine ? Comment diable cela était-il possible ? Ils n’étaient jamais sortis de l’appartement.Oui… Mais… C’était elle qui avait pris cette photo. Elle avait tant insisté qu’il avait
fini par céder, grisé par trois verres de Grand Marnier.
— Je me mets à côté de toi, j’ai un appareil perfectionné, il se déclenche à retardement, je le règle sur une minute. Voilà, c’est fait. Mon amour, viens dans mes bras. Cela me fera un merveilleux souvenir. Je suis si heureuse de t’avoir rencontré.
La photo réalisée, elle avait commencé à le déshabiller doucement, son désir avait éclaté, puissant comme la sève au printemps.
Charles-Édouard sentit un flot de larmes brûlantes dévaler sur ses joues. Il avait tout perdu, sa maîtresse l’avait trahi, sa femme allait réintégrer le domicile conjugal…
Il n’avait plus le choix. Il appela son banquier qui était aussi son ami, il lui expliqua où il en était et lui demanda le déblocage de la somme correspondant à la rançon. Ensuite, il jugea inutile de prévenir la police. Il se savait suivi. Il dormit trois heures, cette nuit-là.
À neuf heures, un coursier de la banque lui remit une valise fermée. À midi et quart, il montait dans un taxi qui fila vers la Défense.
À la station de La Défense, il descendit sur le quai du RER A, en direction de Saint-Germain-en-Laye.
Il plaça la mellette à côté de la poubelle la plus proche du plan apposé sur le mur, puis il jeta un coup d’œil à droite et à gauche. Un SDF était allongé sur trois sièges. Une dame âgée se tenait sur le quai, armée d’un parapluie, un jeune homme baraqué tapotait son
portable, un adolescent en jean crasseux qui portait ses patins à roulette autour du cou, passait un élastique dans ses cheveux en broussaille. La rame surgit. Il se sentit écarté violemment par une personne qui passa devant lui et s’engouffra dans le RER. Une fois, la rame disparue, il regarda à côté de la poubelle, la valisette avait disparu. Sur le quai, les personnes qui s’y trouvaient avant l’arrivée
du RER s’étaient volatilisées, elles aussi… Il était seul, planté au milieu du quai. Il s’assit sur un des sièges en plastique à la forme
incurvée. Comme prévu, son téléphone sonna, il prit l'appel :
— Tout s’est passé comme prévu. Ne vous inquiétez de rien, nous maîtrisons la situation. C’est d’autant plus facile qu’ils se déplacent à pied. Ils se dirigent vers la cité Berthelot. Nous avons du renfort de ce côté. Grâce au suivi de leur téléphone, nous connaissons leur crèche, nous procéderons à leur interpellation dès qu’ils seront arrivés à destination et dans le même temps, nous délivrerons votre épouse. Rentrez chez vous et n’en bougez pas. Votre femme devra
subir des examens médicaux avant que les médecins ne vous la rendent. Il faut vérifier qu’elle n’a pas subi de mauvais traitements.
En ce qui concerne l’argent, nous vous le ferons porter dès que nous l’aurons récupéré, à charge pour vous de le remettre à votre banquier
— Je vous remercie pour tout, je ne manquerai pas de faire un geste généreux en faveur des orphelins de la police.
— Parfait, alors, à plus tard.
Charles-Édouard commença à gamberger. L’argent, si tout se passait comme ils l’avaient prévu, ne tarderait pas à lui revenir. Sa femme resterait vingt-quatre à quarante-huit heures à l’hôpital. Il avait donc un créneau possible…
Il cliqua sur LATAM Airlines, compagnie qui desservait l’Amérique du Sud. Un vol partait le soir même pour Asunción, via Sao Paulo. En un clic, il acheta son billet. Quelques minutes plus tard, il rassemblait de quoi remplir une petite valise. Il n’emporterait pas grand-chose, il compléterait après son arrivée sur place. Le plus compliqué serait de transporter les billets de banque. Dans quoi
les ranger ? Il fouilla dans ses affaires et trouva ce qu’il cherchait, une sacoche en cuir noir usé, pas prétentieuse pour deux sous. Il
avait l’intention de laisser à sa femme la moitié de la rançon, mais tout à coup, il repensa à Delphine. Elle était partie avec la clé… Il appela aussitôt un serrurier pour changer le cylindre.
Une fois l’intervention terminée, il se rendit chez la gardienne :
— Je vous remets un double de la nouvelle clé. Je suis obligé de m’absenter. Si ma femme revient avant mon retour, vous lalui donnerez. Libérée par la police, elle doit subir des examens de contrôle à l’hôpital pour vérifier que sa santé est bonne.
— Votre femme va revenir ? Ah, comme
vous devez être heureux !
— Oui, bien sûr, mais j’ai un déplacement prévu de très longue date que je ne peux pas annuler. C’est pourquoi je vous laisse un double de la clé à lui remettre pour qu’elle puisse entrer dans l’appartement. J’ai été obligé de changer la serrure, une clé a été perdue, je ne veux
courir aucun risque.
— Vous avez raison, on ne sait jamais. Des fois qu’un cambrioleur tomberait sur votre clé.
— Merci beaucoup. Bonne fin de journée.
À 13 H 30, le policier chargé de l’opération de délivrance, l’appela :
— C’est fait. Votre femme a été évacuée vers l’hôpital Américain à Neuilly. Vous devrez joindre le médecin qui va l’examiner avant d’aller lui rendre visite. Voici son nom et son numéro de téléphone.
Il griffonna les informations puis :
— Parfait, vous n’imaginez pas à quel point je suis soulagé. Je vous remercie infiniment.
À 16 heures, un coursier lui remit sa mallette remplie de billets. Il le remercia, lui donna la pièce et se réfugia dans sa chambre.
Il saisit le paquet, divisa l’argent en deux tas. Où ranger celui qui était destiné à sa femme ? Il réfléchit un instant, puis il pensa à la poutre qui traversait la salle à manger. Il y avait une ouverture que seuls lui et sonépouse connaissaient. Il y planqua les billets.
Il lui restait à rédiger un mot destriné à son épouse pour l’informer de la cache. Il rédigea une lettre d’adieu :
Bonjour Catherine,
Heureux que tu sois libre. Ta part se trouve là où nous avons découvert la présence d’une cachette. Je te souhaite une deuxième partie de vie plus épanouie que la première. Vois avec le banquier
comment l’organiser matériellement. Je joins à cette lettre une procuration qui te permettra de mener à leur bonne fin, toutes les transactions concernant nos biens communs. Ne cherche pas à avoir de mes nouvelles. Adieu !
Charles-Édouard
Voilà, il venait de rompre son dernier lien avec son passé. Il quitta l’appartement sans regret et avec l’unique projet de se
retrouver le lendemain soir à Asunción…
Pour la suite, il ne se faisait aucun souci, avec de l’argent, on peut tout acheter…
FIN
REMERCIEMENTS DE L’AUTEURE
Un grand merci à vous, actuels ou futurs lecteurs et
lectrices de la série policière,
Une enquête du Commissaire Vétoldi.
Je vous souhaite une lecture de mes romans, distrayante et qui vous permettra d’oublier un moment, l’actualité et ses drames.
Elle mettra aussi à l’épreuve vos capacités de détective, car oui, vous, lecteur ou lectrice, vous pouvez deviner qui est le ou la
coupable…
Merci à Amazon de diffuser mes romans.
Bien cordialement,
En vous souhaitant de très joyeuses fêtes de fin d'année !
Susan Degeninville
site internet : https://sdegeninville.com
N'hésitez pas à mécrire sur ce blog ou sur mon site
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