2 Réunion post-mortem

Le soir même du décès d’Hugues d’Arborville, le président de l’Assemblée, François-Xavier Falcone, avait réuni le staff chargé des problèmes de sécurité à l’Assemblée. Autour de son bureau, se tenaient le commandant Grassiard, les trois questeurs, Timothée Lunère, député Les Républicains constructifs, Laure Rossignol et Florent Brevet, députés Les Républicains En Marche. Si tous étaient au courant qu’Hugues d’Aborville avait été victime d’un malaise en salle des séances, après la séance consacrée aux questions d’actualité et avant la reprise de la discussion sur la loi sécurité et terrorisme, ils ignoraient encore que le député était décédé, aussi FXF jugea-t-il opportun de les mettre au parfum:
– Bien, je tiens tout d’abord à vous remercier d’être ici, nous avons à régler notre communication avec les medias quant à ce qui est arrivé à d’Arborville.
Laure Rossignol intervint :
– Monsieur le président, avez-vous reçu des nouvelles rassurantes ? Hugues va-t-il mieux ?
– Et vous, êtes-vous remise de l’agression que vous avez subie ?
– Oui, pas de soucis, je n’aurai pas de séquelles, je n’ai pas perdu connaissance comme ce qui est arrivé à cette pauvre NKM, je suis juste traumatisée par le fait d’avoir été agressée alors que je distribuais des tracts sur le marché. Avant cet incident, je ne pensais pas que faire de la politique me mettrait en danger.
– Je vois que ne pas avoir été militante pendant des années puis élue locale, ne vous a pas préparée à ce qu’est la politique sur le terrain. Notre statut ne nous protège pas de l’agressivité ambiante et au contraire, votre agresseur vous aura frappée parce qu’à ses yeux, vous êtes la représentante, non pas du peuple, mais celle du président de la République. Bon venons-en au fait du jour, si vous le voulez bien. J’ai reçu un appel du service de réanimation de l’hôpital Percy, Hugues d’Arborville est mort.
Un mouvement se fit parmi les personnes présentes et quelques interjections de surprise se firent entendre :
– Le pauvre ! Je crois qu’il laisse une femme et des enfants… Finir comme ça après une aussi longue carrière…Mort au boulot…
– Bien, ce qui me préoccupe est que nous devons mettre au point une stratégie de communication car je ne vous ai pas révélé le plus choquant dans cette disparition.
Les cous se tendirent, la curiosité s’emparait de chacun, qu’allait donc dire FXF ?
Celui-ci prit tout son temps, se délectant à l’avance de la nouvelle incongrue qu’il allait leur donner, il prononça chaque syllabe comme s’il se trouvait sur la scène de la Comédie Française :
– Hugues d’Arborville est mort assassiné !
– Pas possible ! Ici, à l’Assemblée, dans la bibliothèque ?
Les visages étaient marqués par la consternation. Ainsi, on pouvait se faire tuer au sein même de l’Assemblée Nationale ? Le commandant Grassiard traduisit sa préoccupation immédiate :
– S’il a été assassiné, c’est qu’il y a un tueur parmi les personnes qui travaillaient ou circulaient à l’Assemblée aujourd’hui. Le public qui assistait à la séance des questions d’actualité doit être écarté, il est reparti, mais on doit compter l’ensemble du personnel de l’Assemblée, les huissiers, les assistants parlementaires, les ouvriers, les fonctionnaires des différents services… Il va falloir dresser la liste de ceux et de celles qui ont franchi la salle des séances.
FXF jugea bon de calmer l’ardeur du commandant Grassiard :
– Ne nous précipitons pas, il faut attendre de savoir comment il a été tué. Par quelqu’un, certes, mais a-t-il été empoisonné et si c’est le cas, à quel moment ? Nous ne savons rien et ça change tout. Il faudrait que nous puissions garder le secret du meurtre pendant quelque temps. Donc, je propose que nous annoncions le décès mais pas la façon dont il est mort, je vais m’arranger avec les médecins de Percy pour qu’ils restent discret.
– Ce ne sera pas difficile, ce sont des militaires, ils ont l’habitude d’obéir aux ordres.
Le commandant Grassiard venait de s’exprimer et FXF opina de la tête :
– Vous avez raison, mon commandant, je ne me fais pas de souci de ce côté-là.
Timothée Lunère intervint :
– Mais Président, s’il y a eu meurtre, nous devons découvrir qui en est l’auteur, et donc pour cela déclencher une enquête de police.
– Vous avez raison, mais j’attends pour ce faire, d’avoir davantage de précisions sur la manière dont ce pauvre d’Arborville a été tué. Imaginez qu’il ait été empoisonné en buvant un apple brandy, non excusez-moi, un lambig, à la buvette, boisson dont il est très friand ou bien lors de son déjeuner au restaurant de l’Assemblée ou ailleurs. Il a pu être assassiné à l’extérieur, il suffisait d’employer un poison qui agissait avec retard. La priorité sera de reconstituer son emploi du temps. Il faudrait rester discret et réunir les informations nécessaires tout en respectant le travail de nos députés qui ont bien assez de tracas en ce moment, entre leur inexpérience et les très nombreux textes dont nous bombarde l’Elysée.
Timothée Lunère se décida à suggérer la solution qui lui était venue depuis l’annonce du meurtre :
– Si vous le souhaitez, je peux demander au commissaire Dominique Vétoldi s’il serait partant pour une mission à ce sujet, il est extrêmement efficace et saura gérer la situation avec doigté, qu’en pensez-vous ?
Le commandant Grassiard fut effaré par l’audace de cette proposition :
– Un commissaire de police, ici, mais mon cher, vous divaguez ! L’Assemblée sera en ébullition ! Il nous faut trouver quelque chose de plus discret, de plus subtil.
Mais Tim Lunère n’était pas à bout d’arguments, il poursuivit, accroché à ce qu’il pensait être la solution miracle :
– Et si ce commissaire se faisait passer pour un ethnologue par exemple ? C’est la grande mode de faire des études d’ethnologie dans tous les milieux et pourquoi l’Assemblée échapperait-elle à la mode ? Dominique Vétoldi adopte un autre nom, il peut être introduit en tant qu’ethnologue canadien venu faire une étude parmi les élus et fonctionnaires de l’Assemblée ; que pensez-vous de cette solution ?
Le commandant Grassiard, tout en étant ébranlé, pensa un peu plus loin :
– C’est une bonne idée, mais qu’en serait-il si la véritable identité du commissaire était dévoilée ?
Le président FXF qui trouvait l’idée géniale, n’entendait pas la laisser enterrer mais il tenait aussi à ménager la susceptibilité du commandant Grassiard et respecter par là même ses responsabilités dans le domaine de la sécurité à l’Assemblée :
– D’ici là, l’eau sera passée sous les ponts et tout le monde aura oublié ce cher d’Arborville ainsi que la manière dont il sera mort. Donc, si nous sommes tous d’accord, mon commandant, je vous charge de rencontrer le commissaire Vétoldi et nous nous reverrons vous pour mettre au point la façon dont il mènera son enquête. Bien, nous en avons terminé, au revoir Madame, au revoir Messieurs.
Timothée Lunère qui estimait s’être fait voler la vedette alors que c’était son idée, tenta de reprendre le devant de la scène :
– Président, ne serait-il pas préférable que ce soit moi qui contacte Dominique Vétoldi, je le connais personnellement.
FXF lança un regard furieux à Lunère, décidément, ce questeur était un emmerdeur, non seulement il avait empêché la vraie opposition d’être représentée à l’Assemblée, mais voilà qu’il lui mettait des bâtons dans les roues alors qu’il venait de trouver le moyen de ménager le commandant Grassiard. Il répondit sèchement :
– Non, il n’en est pas question. Nous devons faire les choses dans l’ordre, c’est le commandant Grassiard qui est responsable de la sécurité, et à ce titre, il doit être l’interlocuteur privilégié du commissaire. Cette fois, je pense que nous sommes tous d’accord, pas d’autres objections ?
Le Président FXF fixa chaque interlocuteur dans les yeux, personne ne mouftant, il se leva et tous sortirent du bureau.
C’est ainsi que la réunion post-mortem se termina….

Pour la suite de Meurtre à l’Assemblée, rendez-vous le vendredi 27 septembre.
Et pensez à donner votre avis et à commenter sans modération… 


















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