ÉPISODE 3

 Le commissaire Vétoldi  entre en scène


Dominique Vétoldi ne s’était pas encore rendu à l’Assemblée, mais la veille, il avait reçu de la part de François-Xavier Falcone, le président de l’Assemblée, un long appel téléphonique puis une note précisant le déroulement de l’événement tragique qui venait de toucher la vénérable institution.
Ce matin, il avait sous les yeux, le rapport du médecin légiste qui avait examiné le corps dans le cadre d’une procédure d’urgence et avec la plus grande discrétion. Il se souvenait de chaque mot prononcé par FXF : Rien ne doit filtrer et c’est la raison pour laquelle j’ai pensé à vous. Bien sûr, parallèlement à la vôtre, une enquête officielle se déroulera mais elle sera diligentée par le corps de gendarmes présent dans l’Assemblée car nous ne pouvons nous permettre que le public apprenne qu’un crime a été commis sur un représentant de la Démocratie. Les medias ont par conséquent annoncé que Hugues d’Arborville était décédé d’une crise cardiaque. 
Dominique Vétoldi avait seulement demandé si sa famille avait été mise au courant de la réalité des faits et il lui avait été répondu que non, ce qui lui barrait la route à toute investigation du côté privé  et restreignait l’enquête au milieu de l’Assemblée et à ses alentours.
Une affaire qui s’avérait plus que complexe, Vétoldi murmura :
Je vais devoir marcher sur des œufs sans en faire une omelette… Pas facile…
Mais bon, si je m’en sors avec les honneurs et un chèque conséquent, cela devrait bien se terminer, du moins pour moi, parce que pour le mort, c’est trop tard, dommage quand même qu’ils n’aient pas fait appel à moi avant le meurtre, d’Arborville aurait peut-être pu être sauvé.
Dominique Vétoldi sourit, en pensant au stratagème imaginé par FXF, c’était la première fois de sa vie qu’il allait devoir se faire passer pour un ethnologue. Il se leva brusquement, la première chose à faire était de modifier son apparence, certains parmi les députés l’avaient peut-être déjà vu en photo et il ne devait être reconnu sous aucun prétexte. Il se regarda dans le miroir des toilettes de son bureau et observa les traits de son visage avec attention. Il était rasé de près, donc, il arborerait une légère barbe, c’était à la mode et en plus, il était certain que la majorité des ethnologues étaient barbus, du moins, c’était la représentation qu’il en avait. Ses cheveux étaient assez longs, cela tombait plutôt bien, car habituellement, il était coupé plutôt court, donc, il n’irait pas rendre visite à sa petite coiffeuse avant la fin de sa mission. Pour terminer la panoplie, venaient les vêtements, il opta pour une tenue décontractée, avec une veste en coton bleu, un polo et un jean impeccable, il y ajouterait une casquette en cas de froid et une fine doudoune bleue marine. Cela le changerait de ses costumes bien coupés et des belles chemises qu’il affectionnait de porter. Il partit faire les emplettes qui correspondaient à sa future tenue. Deux heures plus tard, il était transformé et fin prêt pour faire sa première apparition à l’Assemblée. Il avait rendez-vous à vingt heures avec le président. Il partit à pied et arriva un peu à l’avance, suivant en cela les recommandations, il dut subir des contrôles, ôter sa veste et ses chaussures pour passer par le portique, suivre un huissier qui l’accompagna jusque dans le bureau du président. Celui-ci le fit entrer et ferma la porte.
– Bonjour Vétoldi, vous avez bien changé, je ne vous aurais pas reconnu.
– Tant mieux, c’était le but, j’ai un peu modifié mon apparence, je voulais avoir l’air d’un ethnologue, pensez-vous que j’ai réussi ?
– Ah tout à fait, vous, enfin, tu es parfait ! Je te vouvoierai en public, tu en feras de même, nul besoin de faire savoir que nous avons fréquenté le même bahut !
FXF sourit, visiblement le lycée en question lui rappelait des bons souvenirs.
A l’époque, je n’aurais pas imaginé faire de la politique, je voulais être diplomate mais toi déjà tu te rêvais commissaire de police.
– Oui, c’est vrai, j’étais très déterminé.
–Tu me raconteras ce qui t’a amené à quitter le 36, mais là dans les circonstances que nous traversons, je m’en réjouis, car je n’aurais pas voulu d’un commissaire officiel. Tu as pris connaissance du dossier ? As-tu des questions à me poser ?
– A vrai dire, cela me gêne un peu que soit totalement écartée la sphère privée, imagine que la femme de ce député ait voulu supprimer son mari, on ne pourra pas le savoir, puisque je ne peux pas enquêter en dehors de l’Assemblée.
– Tu ne peux pas enquêter en disant que tu sais qu’il y a eu crime, mais tu peux poser des questions sur son emploi du temps et si c’est sa femme qui l’a tué, tu le sauras en apprenant qu’elle était à Paris le jour de sa mort. Ah oui, j’y pense, voici ton badge, tu n’auras plus à passer les contrôles, ce badge te donne un accès complet à tous les service de l’Assemblée, tu auras juste à glisser  ta photo. J’ai eu un peu de mal à te l’obtenir car il est d’usage que la photo de l’impétrant soit fournie au service qui établit les badges mais comme la demande émanait de moi, ils n’ont pas osé refuser et le voilà.
– Merci, c’est parfait. Peux-tu m’en dire davantage sur les habitudes de ce député, les restos qu’il fréquentait, les gens qu’ils rencontraient, les députés avec lesquels il s’entendait…
– Les députés de son groupe ne sont pas nombreux, aux dernières élections, ils ont tout juste atteint le nombre minimum requis, soit quinze, pour former un groupe à l’Assemblée, il est le plus ancien, il a été élu président de son groupe. Sinon, je ne connais pas son genre de vie, c’est plutôt un gros travailleur, pas de maîtresse à ma connaissance, contrairement à beaucoup d’autres députés qui mènent une double vie, l’épouse dans la circonscription et la maîtresse à Paris. Ca va peut-être changer avec la féminisation… Mais pas sûr, parce que les députés femmes vont en faire autant que leurs collègues masculins, enfin, on verra…Il faudra évidemment que tu rencontres son assistant parlementaire et les fonctionnaires de l’Assemblée qui le connaissaient bien.
– De toute façon, je suis censé faire une étude ethnologique des députés, nous sommes bien d’accord ?
– Oui tout à fait, oui tu as raison, et à ce titre, tu pourras rencontrer qui tu veux. Bon, tu as d’autres questions ?
– Non, enfin, si, souhaites-tu que je te tienne au courant de l’avancée de l’enquête  et si oui, à quel rythme ?
– Je ne sais pas, on peut se voir de façon informelle mais pas trop souvent parce que sinon, il va y avoir des soupçons…
– Des soupçons de quoi ?
– Des ragots, ici, tu sais, les rumeurs vont bon  train, d’ailleurs, il faudra recueillir celles qui couraient sur le mort. Moi, je ne suis pas toujours au courant, les gens n’osent pas trop me parler.
– Eh bien, c’est parfait, je commence demain. Si cela te convient, je te ferai un topo dans une huitaine de jours.
– OK, ce sera parfait, tu veux qu’on fixe un rendez-vous ?
– J’aime autant attendre de voir ce que j’aurais pu apprendre, tu trouveras bien un moment ?
– Oui, je ne sais pas, je suis surbooké, surtout avec tous ces nouveaux élus tous plus nuls les uns que les autres. Nous les anciens, nous passons notre temps à rattraper leurs bourdes.
– Il y a toujours eu des novices, ils vont se faire à leur nouveau métier.
– On verra, en attendant, c’est épuisant.
 – Eh bien, je te laisse. A bientôt donc.
 – A bientôt et merci d’avoir accepté.
– Je t’en prie, j’aurais eu du mal à refuser un service à celui qui a pris ma défense le jour où je me suis fait sérieusement tabasser.

FXF sourit, oui, c’était exact, Vétoldi était arrivé en seconde au lycée militaire et lors du bizutage, les anciens avaient exagéré si bien que lui, FXD, alors élève de classe préparatoire était intervenu pour prendre sa défense. Dominique Vétoldi ne l’avait jamais oublié. Il quitta son ex protecteur, devenu président de l'Assemblée Nationale, avec dans la tête ses années au prytanée militaire. Cette fois, la vie lui donnait l'occasion de lui renvoyer l'ascenseur. 

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