Vendredi
24 novembre 2017 :
ÉPISODE 11 : Une découverte très intéressante…
Dès le lendemain de sa visite au
commandant Grassiard, le commissaire Vétoldi avait rendez-vous avec Christophe
Carrère, un député élu depuis 1993, et qui était donc un des plus anciens élus
de l’Assemblée ; cette rencontre était primordiale sur deux points :
il connaissait Hugues d’Arborville et fait inespéré, il se trouvait à la
buvette, le dernier jour où le défunt député l’avait fréquenté. Il avait
accepté très vite le rendez-vous demandé par Dominique Vétoldi sous son identité
d’emprunt, soit Nathan Morin, ethnologue en mission d’étude à l’Assemblée.
Christophe Carrère l’accueillit sur le seuil de son bureau, il lui proposa un café
ce que Vétoldi-Morin accepta aussitôt. Une fois qu’ils furent installés tous
les deux, Christophe Carrère posa la première question :
– Ainsi, vous menez une enquête sur la
vie des députés ?
– Oui, comme vous le savez, je mène une
enquête sur la vie des députés, en tant qu’ethnologue ; en début de
mission, je m’efforce de répertorier les traits communs qui caractérisent les
élus de l’Assemblée et qui sont les mêmes quel que soit la circonscription
qu’ils représentent, indépendamment de leur appartenance politique, de leur
sexe…
– Oui, à cet égard, la mixité a nettement
progressé depuis la dernière élection, les femmes sont très nombreuses. Ce
n’est pas plus mal, j’ai observé que lors des séances, on chahute moins
qu’avant et il y a moins de remarques sexistes qui émanent des élus hommes. J’ignore
s’il faut y voir un effet de la forte présence des femmes ou une
conséquence de la campagne actuelle contre les comportements sexistes abusifs.
– C’est très intéressant, je vais y
réfléchir. J’aimerais savoir comment se passent vos relations avec les représentants
des différents partis, est-ce qu’elles se sont modifiées au fil de vos mandats ?
– Bien, j’ai d’excellentes relations avec
ceux que je connais depuis longtemps, enfin, pour être tout à fait honnête, c’était
le cas. Je ne sais pas si vous le savez mais nous avons formé un groupe avec
d’autres députés issus de différents partis politiques dans le but de soutenir
l’action de notre nouveau président, à côté de son parti qui est largement
majoritaire.
– Oui, j’ai noté que vous étiez membre
des Constructifs. Vous vous êtes présenté sous l’étiquette Les Républicains,
vos relations avec ceux qui sont restés au sein du groupe LR doivent être un
peu plus compliquées ?
Christophe Carrère afficha un sourire
narquois :
– Oui et non, certains d’entre eux
voudraient bien en faire autant, mais ils n’osent pas, ils attendent de voir ce
que donnera la politique du gouvernement. Ma décision a été facile, je me sens
en cohérence avec les engagements affichés pendant la campagne, en effet, la
politique menée est proche de celle qui avait été proposée par les LR, mon
groupe d’origine, et mon groupe encore, car je n’ai pas été exclu jusqu’à
présent.
– Qu’en est-il de vos relations avec les autres
groupes ?
– Avec le parti En Marche, c’est parfois un peu compliqué parce que tout simplement
ses membres nous reprochent de ne pas être montés dans le train auparavant et
maintenant parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas besoin de voix d’appoint, ou plutôt
ils estiment ne pas en avoir besoin. Ils font une erreur car sur le long terme
et là, c’est ma longue expérience qui me fait dire cela, l’homogénéité de leur
parti ne tiendra pas. Pour le moment, c’est
le début, mais quand vous rassemblez des personnes venant d’horizons aussi
différents que des socialistes, des Républicains, des Centristes, et des gens
qui n’ont jamais milité dans aucun parti et qui sont, somme toute, arrivés en
politique par hasard, par opportunisme parfois et pas par conviction, vous
savez que ça explosera un jour ou l’autre, sans doute à l’occasion d’évènements
extérieurs.
– Vous avez des relations avec le parti des
Néo-Royalistes ?
– Un peu, mais je les évite ; ceci dit, je
les connais, enfin ceux qui étaient déjà élus. La mort subite d’Hugues d’Arborville
m’a surpris, j’ai déjeuné avec lui le jour même de sa mort, il me paraissait en
bonne santé, il a bu ses lambigs et mangé son sandwich au saucisson comme d’habitude,
je n’ai rien remarqué d’anormal. Sa mort m’a amené à réfléchir à mon mode de
vie, et je prends davantage de temps pour moi et pour les miens. Je sais qu’il
a une famille, je me suis rendu à son enterrement par souci de faire acte de
présence, nous n’étions pas nombreux à représenter l’Assemblée. Ses enfants
sont encore jeunes. Je ne connaissais pas sa femme, elle n’était jamais venue à
l’Assemblée, pas comme d’autres qui travaillent ici avec leur époux.
– Vous avez déjà goûté le saucisson qu’il
consommait ?
– Non jamais, c’est un saucisson que le Maître d’hôtel
commande spécialement pour lui.
– D’autres députés en font-ils autant pour leurs
produits préférés ?
– Je n’en ai aucune idée ! Pour ma part,
cela ne me serait pas venu à l’idée, je me suis toujours contenté de ce qui est
proposé. De toute façon, c’est assez rare que je déjeune à la buvette, j’aime
bien sortir et manger ce que je veux, nous avons la chance que la Chambre des
députés soit implanté dans un quartier où vous pouvez trouver à peu près la
palette complète des bars, troquets, restaurants, sandwicheries existant en
ville. En fait, d’Arborville m’avait demandé de partager ce moment avec lui.
– Il avait évoqué une raison pour votre
rencontre ?
– Oui,
il voulait comprendre les raisons que j’avais eues de rejoindre le groupe Les
Constructifs.
– Vous pensez qu’il avait envie d’en faire
autant ?
– Ah,
non pas du tout ! D’Arborville écrivait au fil des jours, je le savais, il
écrivait sur sa vie à l’Assemblée, sur sa vie de député.
– C’est extrêmement intéressant, il vous a fait
lire ses écrits ?
– Oui, et j’ai encore ses feuillets. Ce n’était
pas un travail d’écrivain mais je lui avais dit que cela pourrait intéresser
les historiens plus tard. Il m’avait demandé mon avis.
– Vous pourriez me les prêter ?
– Non, mais je pourrais en faire faire
une photocopie, parce que mon intention est de le les remettre à sa famille, je
voulais le faire et puis, j’ai oublié et c’est en vous parlant que ça m’est
revenu. Attendez une minute.
Il
appela son assistant sur son portable :
Olivier, tu peux venir un instant, j’ai des photocopies urgentes à te demander.
Quelques minutes plus tard, son assistant
arrivait et Christophe Carrère lui remettait la liasse des feuilles.
– Ces écrits vont être extrêmement riches en
enseignements pour mes recherches, je vous suis très reconnaissant.
– Je vous en prie, je suis heureux de vous
rendre ce service. Dites-moi, à votre avis, devrais-je parler de ces écrits au
commandant Grassiard ? Il se trouve qu’il m’a interrogé sur le moment que
j’avais passé avec d’Arborville le jour de son décès ?
– Non, je ne le pense pas, ces écrits ont une
valeur ethnologique, je ne vois pas en quoi ils pourraient concerner la
sécurité de l’Assemblée.
– Pour être tout à fait honnête à votre égard, je
les ai parcourus plutôt que lus…
Je
vous dirai ce que j’en pense si vous le souhaitez.
– D’accord,
je vous en remercie.
Sur ce, son assistant revint avec les
photocopies. Christophe Carrère tendit la liasse à Nathan Morin qui en profita
pour dire :
– Si vous voulez, je peux me charger de
transmettre les originaux à Madame d’Arborville ?
Il vit Christophe Carrère hésiter puis il
accepta :
– Oui, pourquoi pas ?
– Je le ferai ce qui me permettra de
rencontrer l’épouse d’un député de province, ce sera également intéressant de
recueillir ses impressions. Bien, cher
Monsieur, merci infiniment pour tout ce que vous m’avez apporté, bonne fin de
journée et à bientôt.
– Je vous en prie, c’était un plaisir,
nous les députés, nous n’avons pas si souvent l’occasion de parler de notre
métier.
Dominique Vetoldi-Nathan Morin quitta le
bureau de Christophe Carrère le sourire aux lèvres. Ce jour était à marquer d’une
pierre rouge, C’était un jour de pêche miraculeuse. Il avait le moyen de
rencontrer Madame d’Arborville, il avait connaissance d’une information que ne
possédait pas le commandant Grassiard. Voilà qui était en mesure de lui faire
prendre un tournant très intéressant à son enquête…
A suivre… Rendez-vous le vendredi 1er
décembre 2017…
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