Vendredi 15 décembre 2017, ÉPISODE 14 : Vétoldi-Morin fait la connaissance du suppléant d’Hugues d’Arborville.
Vendredi 15 décembre 2017
ÉPISODE
14 : Vétoldi-Morin fait la connaissance du suppléant d’Hugues
d’Arborville.
Après
son rendez-vous avec Madame d’Arborville et son arrêt à la pâtisserie, Dominique
Vétoldi revint rapidement à la gare autoroutière, son millefeuille et sa sacoche
en main, Un car attendait, moteur ronflant, quelle chance ! Dominique
Vétoldi s’y précipita mais il apprit du chauffeur que pour regagner Paris, il
aurait deux changements, le car se rendant à La Roche-sur-Yon, où un train l’emmènerait
à Nantes, gare dans laquelle il retrouverait un TGV pour Paris, en tout, son
voyage durerait cinq heures. Il murmura : La misère de la petite ville de province.
Le car
partait trois minutes plus tard, Vétoldi questionna le chauffeur :
– Le
train suivant est à quelle heure et en combien de temps arrive-t-on à
Paris ?
– Le car
suivant est seulement à 14h39, et vous arriveriez à Paris à 19h12… Vous avez
intérêt à partir maintenant.
– Bon,
d’accord, je peux prendre mon billet auprès de vous ?
– Pas
pour Paris, mais vous aurez le temps de le prendre à La Roche-sur-Yon. Vous
pourriez aussi prendre le taxi pour Niort mais je crois que vous arriveriez
entre deux trains, c’est dommage, c’est à quelques minutes près. Je pense que
vous n’attraperiez que le train qui part après 15 heures, donc par rapport au
trajet que je dessers, vous ne gagneriez rien au niveau de votre heure d’arrivée
à Paris et vous auriez cher de taxi à payer.
– Dans
ce cas, je reste. Merci pour toutes ces informations.
– Je
vous en prie.
Vétoldi s’installa dans le car quasi-vide et
il sortit un roman qu’il avait emporté au cas où, et justement, le car était un
de ces cas. Le trajet lui parut long jusqu’à la Roche-sur-Yon, malgré le roman.
A la gare, il récupéra un billet pour Paris. A 17h21, il arrivait à
Montparnasse et il fila à l’Assemblée en métro. Il avait encore le temps de
rassembler ses idées, voire de rencontrer au moins une nouvelle personne.
Pendant son trajet en train, il avait eu le temps de cogiter et il avait joint
le suppléant d’Hugues d’Arborville qui se trouvait être le nouveau député à la
suite du décès du député. Ce dernier, Jean-Charles de Normandie, avait accepté
de le recevoir vers 18 heures, ce qui était parfait. En arrivant à l’Assemblée,
Vétoldi passa dans son bureau déposa le dossier de Fontenay-le-Comte, saisit le
bloc-notes qu’il utilisait pour recueillir ses entretiens à l’Assemblée puis se
rendit au bureau de JCDN.
Celui-ci
l’attendait et le reçut avec un grand sourire :
–
Bonjour Monsieur Morin, heureux de vous rencontrer, je vous en prie,
asseyez-vous, vous voulez boire quelque chose ? J’ai des tisanes, du thé,
du café.
– Non
merci. Je sors du train, j’ai voyagé tout l’après-midi et j’avoue que j’ai pris
plusieurs cafés. Fontenay-le-Comte est très mal desservi, je vous plains.
– Oui,
en fait, de Fontenay, il faut passer par Niort, c’est le plus simple.
– Sauf
que le trajet en car est très long.
– Oui,
c’est vraiment dommage que la SNCF ait fermé la ligne, je vais me battre pour
la faire revenir, peut-être que mon prédécesseur avait trop vite lâché
l’affaire.
– Je
vous souhaite bon courage, j’ai bien peur que vous n’y arriviez pas, la SNCF
continue à fermer des lignes. Comment faites-vous pour vos allers et
retours ?
– Je
laisse ma voiture à Niort, j’y loue un parking, c’est vraiment le plus facile,
même si quand je pars de chez moi, à Luçon, c’est encore plus loin.
– Bien, comment s’est passé la prise de relais
de votre député ? Je suppose que vous ne vous attendiez pas à ce
remplacement subit ?
– Ah ça
non, j’ai même hésité à assumer mon engagement de suppléant, d’autant plus que quand
j’ai accepté d’être le suppléant d’Hugues, c’était plus pour lui rendre service,
et je n’imaginais même pas que je devrais un jour le remplacer. Je suis médecin
généraliste à Luçon. Depuis que je remplace Hugues, mes collègues de la maison
de santé ont plus de monde. C’était impossible pour moi de garder toute ma
patientèle et c’est resté très compliqué d’expliquer aux malades que je suivais
que je ne peux plus les recevoir les jours où je travaille à Paris. En fait, je
sépare mes deux activités, d’un côté, l’Assemblée les mardi, mercredi et jeudi,
de l’autre, mon activité de toubib, les lundi, vendredi et samedi, parfois
entrecoupée de présence à des manifestations, expositions…et des rendez-vous à
ma permanence de Fontenay. Je me demande comment je ferais si j’avais une
famille. Je n’ai pas voulu arrêter ma profession, car j’ignore si je
poursuivrai la députation, d’autant que qui sait si je serai réélu la prochaine
fois ? Nous sommes peu influents, nous les Néo-Royalistes.
– Donc,
si je comprends bien, vous ne vous attendiez vraiment pas à devenir
député ?
– Ah ça,
vous pouvez dire que non ! La suppléance c’était pour rendre service à Hugues
que j’ai accepté. Je le connais depuis mes toutes jeunes années. J’ai adhéré au
parti Néo-Royaliste dès ma majorité.
Il
s’interrompit et souriant, le docteur de Normandie ajouta :
– Ma
famille a toujours été pour le rétablissement de la Royauté. J’ai été élevé
comme ça, dans l’idée qu’un Roi serait plus à sa place à l’Élysée qu’un
président. Les grands principes de la Démocratie sont à mon avis, bien mieux
respectés par le système Royal que par la République. Regardez comment ça se
passe dans les pays qui ont conservé ou rétabli leur Roi ou leur Reine.
Le Peuple se
régale des nouvelles des familles royales diffusés par les medias et pendant ce
temps, les responsables politiques font leur travail et on les laisse
tranquille côté vie privée. Les gens ont besoin de rêver et les familles
royales leur servent aussi à ça. La Royauté permet aussi d’assurer la
permanence des valeurs transmises par nos ancêtres. Dans une société en pleine
déliquescence, il est préférable que les gens se raccrochent à la Royauté
plutôt qu’à des dérives religieuses. L’être humain est ainsi fait qu’il ne peut
se contenter de sa vie au quotidien, il a besoin de rêver, et c’est ce qui fait
sa grande différence avec les animaux. Quel est l’animal qui rêve sa vie ?
il n’y en a pas, l’animal pourvoit à ses besoins et suit pour cela son
instinct, l’être humain, lui, pourvoit à ses besoins ou l’État y pourvoit pour
lui et il rêve à une vie meilleure. La famille royale sert d’écrin à ses rêves
quand un rêve personnel n’est pas à sa portée. Il devient difficile pour la
majorité des gens de rêver leur vie parce que tout les en empêche, la
surconsommation, l’accumulation de biens matériels devient le seul horizon de
beaucoup de personnes… Bien, nous sommes bien loin du sujet qui vous amène. Que
voulez-vous savoir d’autre sur la vie des députés, bien qu’en la matière, je ne
puisse pas vous apporter tellement d’informations, c’est trop récent pour moi.
– Vous connaissiez la famille d’Hugues
d’Arborville ?
– Bien sûr, sa femme a toujours été à ses côtés,
elle l’a aidé dans sa carrière. La pauvre, elle se retrouve seule avec leurs
trois enfants. Vous savez, commissaire, que dans la circonscription, on dit
qu’Hugues n’est pas mort de mort naturelle mais qu’on l’y aurait aidé.
– Oui, c’est ce que j’ai entendu aujourd’hui
même, j’étais à Fontenay-le-Comte et je me suis laissé dire ce genre de choses,
mais vous, personnellement, vous en pensez quoi de ces rumeurs ?
– Je reconnais que j’ai été très surpris par la
brutalité de la mort d’Hugues mais en général, les crises cardiaques ne
préviennent pas, sauf que dans le cas d’Hugues, il avait consulté un
cardiologue très récemment, et que celui-ci lui avait recommandé d’arrêter les
marathons ainsi que les entraînements très exigeants qui les accompagnaient. Il
m’avait parlé de ce conseil et m’avait confié qu’il ne comptait absolument pas
s’y conformer, que courir était sa passion et que ce sport lui permettait
d’être heureux et que si on lui enlevait ça, la vie perdrait beaucoup de son
sel. Ses propos m’avaient étonné, je ne pensais pas qu’il était devenu
dépendant de ce sport. Je lui avais dit que ce n’était pas courir qui était
dangereux mais que courir un marathon était dangereux parce que c’était
soumettre son organisme à un effort de trop longue durée et de trop forte
intensité. Hugues faisait partie de ces êtres qui se croient immortels, mais
malheureusement, il était comme les autres humains, dommage qu’il n’en ait pas
été conscient avant de passer de l’autre côté.
– A votre avis, donc, c’est le fait de trop
courir qui a provoqué la crise cardiaque ?
– Oui, bien sûr, d’autant que le matin de sa
mort, il a couru sur les quais de cinq heures à huit heures.
– Comment le savez-vous ?
– Je le
sais tout simplement parce qu’il me l’a dit. Je l’ai eu au téléphone le
matin vers neuf heures, juste avant que je ne commence mes consultations, nous
devions nous voir en fin de semaine, et il m’a invité à déjeuner pour le
dimanche qui suivait. Quand je pense que l’enterrement n’a toujours pas eu
lieu, c’est quand même scandaleux pour sa famille. De deux choses l’une, soit
il est mort de mort naturelle, soit il est mort empoisonné, je n’ai pas entendu
parler d’une blessure quelconque, en plus, il y avait des témoins, il déjeunait
à la buvette.
Dominique Vétoldi
rangea ses impressions dans un tiroir de sa pensée, il ne voulait pas écrire
devant le suppléant ce qui lui venait à l’esprit. Il se promit de le revoir
pour tenter d’en savoir davantage et notamment sur ses relations qu’il
entretenait avec Madame d’Arborville car il avait relevé les yeux subitement
brillants du suppléant lorsqu’il avait parlé de cette dernière. Il
conclut : Eh bien, il était très au courant, le suppléant, à croire qu’il
avait mené sa petite enquête perso.
–
Bien, docteur à moins que je ne doive vous appeler, Monsieur le député, je vous
remercie de m’avoir reçu et si à l’avenir, vous aviez des informations à me
transmettre, surtout n’hésitez pas, voici ma carte. Je serai encore présent
pendant quelques semaines à l’Assemblée pour réunir les éléments de mon enquête
sur la vie des députés.
–
Au revoir Monsieur l’ethnologue. Au final, j’ai bien failli vous appeler
Monsieur le commissaire, parce qu’en vous écoutant poser vos questions, je
trouve que votre travail ressemble fort au travail d’un enquêteur policier. Vous
pouvez compter sur moi, je ne manquerais pas de vous rapporter des informations
qui aujourd’hui m’échappent et qui pourraient me revenir.
Dominique
Vétoldi quitta le docteur Jean-Charles de Normandie en ayant l’impression
d’avoir été découvert. C’était un bien étrange personnage que ce médecin…
A suivre… Prochain épisode le
vendredi 22 décembre 2017…
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