Vendredi 22 décembre 2017,
ÉPISODE 15 : Vétoldi-Morin visite le
groupe parlementaire Néo-Royaliste
Dominique-Vétoldi
se réveilla fatigué après la longue journée de la veille où il avait accumulé
le trajet aller-retour Paris-Fontenay-le-Comte et le rendez-vous avec le
suppléant d’Hugues d’Arborville. Intrigué par le contenu de son rendez-vous
avec ce dernier, il avait décidé de faire un saut auprès des collaborateurs du
groupe parlementaire des Néo-Royalistes pour y glaner des informations
supplémentaires sur le député disparu. Il n’eut pas de difficultés à repérer
leurs bureaux, grâce au guide édité par l’Assemblée Nationale qui répertoriait
la totalité de ses services, en indiquant le numéro des bureaux et le téléphone
correspondant. Le groupe comptait trois collaborateurs, une femme et deux
hommes. Quand il parvint à leur QG, seule la femme était présente, une certaine
Fabienne de Laurensus. Il se présenta, bien sûr en tant que Nathan Morin,
ethnologue en mission au cœur de l’Assemblée Nationale.
Elle le
mit à l’aise, et souriante, lui lança d’emblée :
– Oui,
je suis au courant, j’ai entendu dire que vous interrogiez les uns et les
autres pour connaître la vie des députés.
– Ah
mais c’est parfait, je n’aurai plus besoin d’expliquer ce que je fais.
– Alors,
que voulez-vous savoir ? Je ne suis pas certaine d’être en mesure de
répondre à toutes vos questions, car je ne suis ici que depuis quelques mois.
C’est Monsieur d’Arborville qui m’a recrutée.
– Depuis
sa disparition, est-ce que le contenu de votre travail a évolué ?
– Oh
oui, on travaille beaucoup moins, et j’avoue, chose horrible, parce que je ne
serais pas fière de me réjouir de sa mort, que j’en suis plutôt contente. Monsieur
d’Arborville était un très gros travailleur, il demandait note sur note et nous
devions sans arrêt nous rendre à la doc’ pour obtenir des informations plus
précises et plus justes que celles qui sont diffusées par Internet.
– Il
avait des sujets favoris ?
– Non,
il s’intéressait à tout, mais bon, il était membre de la commission des
Finances, donc on devait particulièrement soigner nos dossiers et notes
économiques et pendant la période de vote du budget, c’était chaud ! Cette
année, c’est terminé, le vote définitif a eu lieu hier, jeudi 21 décembre, il y
a eu beaucoup moins d’amendements que les autres années, d’après ce que m’ont
dit mes deux collègues qui ont gardé des souvenirs pénibles de la période
budgétaire, entre septembre et décembre.
– Vous
répondez aux lettres des électeurs, je suppose ?
– Oui,
naturellement et comme souvent les lettres adressées aux députés comportent des
demandes assez semblables, on prépare des réponses type, à charge pour chaque
député de notre groupe d’adapter leur réponse à leurs correspondants. Hugues
prenait connaissance de tout son courrier et il revoyait chaque réponse que
nous proposions.
– Il
recevait beaucoup de lettres ?
– Oui,
il était connu, cela faisait très longtemps qu’il était élu et les gens lui
écrivaient pour toutes sortes d’interventions, de la demande d’emploi ou de
stage, à l’intervention auprès d’un proviseur de lycée pour faire inscrire un
enfant, à des appuis pour obtenir telle ou telle subvention pour une entreprise
ou une aide… C’était et ça reste très varié.
– Je suppose
que vous avez connaissance des demandes qui émanent des lettres des autres
députés, sont-elles différentes des lettres qui étaient destinées à Hugues d’Arborville
?
– Pas
vraiment pour la plupart, mais comme Monsieur d’Arborville représentait le
parti qui œuvrait pour le retour du Roi de France, il y avait aussi des lettres
des partisans royalistes qui allaient dans ce sens.
– Que
faites-vous de toutes ces lettres ?
– Nous
les archivons, une fois que leur réponse a été envoyée, nous ne jetons rien,
Monsieur d’Arborville nous chapitrait là-dessus avec une grande fermeté, il ne
voulait rien jeter, nous avons donc des cartons rangés par année et avec des
séparations par sujet.
– Je
pourrais jeter un coup d’œil à celles de ces derniers mois ?
– Il
faudra demander l’autorisation au docteur de Normandie, c’est lui qui décide
maintenant, il a succédé à Monsieur d’Arborville.
– Je
l’ai rencontré hier, mais je n’ai pas pensé à le lui demander. Écoutez, il
n’est que dix heures, laissez-moi les consulter pendant une heure que je me
fasse une première idée.
– Je
vais appeler mon collègue le plus ancien, auparavant, si vous permettez, je ne
peux pas prendre la décision seule. J’en ai pour une minute, d’ailleurs je ne
sais pas ce qu’il fait, il devrait être ici, quoique, il a veillé hier.
Elle saisit son téléphone et appela son
collègue :
– Oui,
salut Charles-Édouard, c’est Fabienne, j’ai Nathan Morin dans mon bureau, tu
sais l’ethnologue, il voudrait regarder quelques lettres que nous avons
archivées, je peux les lui mettre à disposition ?
– OK, au
fait, tu arrives vers quelle heure ?
–
D’accord, à tout à l’heure.
Elle
raccrocha et s’adressa à Vétoldi-Nathan :
– Il
sera là dans une heure. Il est d’accord pour que vous preniez connaissance des
lettres. Je vais vous installer dans son bureau, je vous y accompagne.
Dominique
Vétoldi la suivit dans le bureau de son collègue et il s’installa confortablement.
Quelques minutes plus tard, il avait devant lui un carton rempli de lettres
rangées par thèmes. Le plus gros paquet concernait la circonscription du
député. Il se mit au travail. Une heure plus tard, il avait gardé de côté une
dizaine de lettres qui l’avait intriguées car elles émanaient de deux mêmes
correspondants. Il en était là de ses recherches quand Charles-Édouard de
Varingue fit irruption dans le bureau :
– Ah,
mais cher Monsieur, je vous surprends en plein travail ! Bonjour ! Alors,
il paraît que vous vous penchez sur la vie des députés ?
– Oui,
tout à fait, je mène une étude sur leur vie, leur travail et plus largement
leurs activités.
– Oui,
c’est ce que j’ai cru comprendre, je constate que vous avez eu un premier
aperçu de la correspondance, mais dites-vous qu’Hugues n’était pas un député
lambda, c’était un Royaliste et à ce titre, il recevait davantage de lettres
que les autres. Il y a une partie de la population française qui souhaite le
retour de la Monarchie et Hugues était encouragé par ces Français. Bien sûr, il
y a aussi la correspondance habituelle dont Fabienne a dû vous parler.
– Tout à
fait, je me suis permis de mettre de côté deux séries de lettres car j’ai noté
qu’elles émanaient de deux correspondants qui visiblement lui écrivaient souvent.
Pourrais-je en faire une photocopie ?
– Bien
sûr, et je vais vous les faire tout de suite, j’en ai pour deux minutes, mais
vous risquez d’être déçu, je n’ai pas le souvenir d’avoir lu quelque chose de
très original. Je reviens.
Pendant
son absence, Vétoldi relut rapidement les titres des rubriques qui regroupaient
les lettres mais elles n’étaient pas intéressantes, elles concernaient des
problèmes se rapportant soit à des textes en discussion à l’Assemblée, soit à
des demandes spécifiques d’intervention. Et déjà, le collaborateur revenait
avec la liasse de photocopies.
– Voilà,
vous voulez savoir autre chose ?
– Oui,
j’aimerais savoir si Monsieur d’Arborville recevait parfois des lettres de
menaces ?
– Oui,
ça lui est arrivé, c’est classique, dès que vous occupez un poste en vue, il y
a des cinglés qui vous menacent, il n’y prêtait guère attention sauf une fois,
parce qu’il avait reçu une lettre de menace d’enlèvement d’un enfant, alors là,
il a porté plainte et les enfants ont fait l’objet d’une surveillance pendant
quelques semaines, mais il ne s’est rien passé, heureusement.
–
C’était il y a longtemps, vous vous en souvenez ?
– Je
m’en souviens parce qu’il m’en a parlé à l’époque, il y a un an environ, ah
oui, c’est ça, c’était pendant le Budget, je ne peux vous donner de date, mais
son épouse pourrait vous répondre avec plus de précisions, parce que la lettre
était arrivée à leur domicile de Fontenay-le-Comte. Enfin, vous ne devriez
peut-être pas vous pencher sur ce genre d’anecdotes car je ne pense pas que
beaucoup de députés soient concernés par des menaces.
–
Détrompez-vous, c’est assez courant, d’ailleurs cous disiez vous-mêmes tout à
l’heure que dès qu’on est un peu connu, des cinglés peuvent vous menacer.
– Oui,
oh j’ai dit ça comme ça, mais après tout ce n’est pas spécifique aux députés
or, il me semble que vous menez une étude sur les députés.
– Oui,
c’est exact, mais si cela se savait, je pense que les vocations seraient encore
moins nombreuses qu’elles ne le sont.
– Les
vocations sont nombreuses, il y a eu quatre candidats par député chez les En Marche et chez nous, dans notre
parti, il y a beaucoup de jeunes qui sont intéressés.
– Oui,
mais ce ne sont pas obligatoirement des jeunes qui sont compétents.
– Ça
c’est vrai et depuis la nouvelle Assemblée, je reconnais qu’ils sont loin
d’être tous talentueux et nous, ce qui nous fait rire, c’est qu’ils disent
partout qu’ils sont très fatigués. C’est à croire qu’ils ont choisis de devenir
députés pour buller.
– Bien,
il me reste à vous remercier.
– Je
vous en prie, revenez quand vous le voulez.
Charles-Édouard
de Varingue ouvrit le port de son bureau et Dominique Vétoldi sortit, les
lettres pliées à la main. Il fila dans son bureau et commença sa lecture
détaillée. La première série émanait d’un certain Yvon le Goff. Vétoldi reclassa
les lettres dans l’ordre de leur date. La lettre numéro un était une demande
faite au député d’assister au baptême d’un enfant qui se déroulait à
Fontenay-le-Comte. Il prit en note les passages les plus importants et les plus
surprenants.
Lettre 1…Comme vous n’êtes pas sans le savoir, ma
fille, Anne, a eu un beau petit garçon et elle m’a demandé de vous inviter à la
cérémonie de son baptême qui interviendra le… à l’Église Notre-Dame…
Lettre
2… Anne vous remercie pour le superbe
cadeau que vous avez offert à son petit Hugues…
Lettre 3
…était accompagnée d’une photo, avec un commentaire sibyllin : Merci de nous avoir fait parvenir une photo
de vous au même âge, il vous ressemble…
Lettre
4… Merci pour la mise en place du
virement mensuel, c’est plus pratique et Anne peut ainsi faire des projets…
Lettre
5…Vous êtes attendu chez nous, comme le
messie et nous nous réjouissons de vous recevoir dimanche prochain.
Dimanche prochain… Vétoldi
consulta la date à laquelle la lettre avait été écrite, c’était le mercredi 8
septembre, donc la semaine qui précédait la mort du député…Hugues d’Arborville était
mort assassiné le jeudi 14 septembre…
A suivre…
Rendez-vous le vendredi 29 décembre 2017,
pour l’épisode 16
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