Episode 4 : Retour à la Boutique des copains

Episode 4 : Retour à la Boutique des copains


Le jour fatidique était arrivé. Ce soir, après mon travail à l’agence, je retournerais à la boutique et cette fois, promis, je ne m’enfuirais pas !
Vendredi dernier, j’avais reculé devant l’esquisse de l’homme parfait que Madame Rêves sur Mesure avait mise sous mes yeux. Émue, alors qu’il n’était que quatorze heures, je relus le descriptif de mon futur copain idéal qu’elle avait eu l’amabilité de me remettre :
– Il est grand, il mesure entre un mètre quatre-vingt-cinq et un mètre quatre-vingt-dix, il n’est ni maigre ni gros, plutôt du genre sportif. Il a de beaux cheveux abondants et blonds foncés, il a les yeux bleus, un certain magnétisme dans le regard, un visage régulier, un front haut, un menton pas trop fort, un nez droit et ni trop court ni trop long, un reflet d’enfance dans les joues.
Et devant cet homme parfait, j’avais osé demander s’il pouvait avoir une petite cicatrice, Madame Rêves sur mesure n’avait pas apprécié et elle avait suggéré que je choisisse de dessiner une cicatrice temporaire, estimant que je pouvais regretter par la suite qu’il ait ce genre de marque indélébile.
Ma copine MJ qui elle, sortait avec son homme sur mesures depuis plusieurs semaines, ne m’avait pas donné de nouvelles récentes, je l’appelai :
Salut MJ, comment ça va avec Gratien ?
MJ chuchota et j’eus du mal à comprendre ce qu’elle me murmurait mais je devinai les mots que je n’entendais pas.
– Attends une minute, je vais dans les toilettes et je reprends le téléphone.
Je patientai et quelques minutes plus tard, MJ me parlait :
– Excuse-moi, mais je ne souhaite pas que tout le bureau soit au courant. Mes collègues savent que je partage ma vie avec quelqu’un, mais ils ne le connaissent pas et ils ne le connaîtront pas car je ne veux en aucun cas, mélanger vie au travail et vie privée. Alors, tu me demandais comment ça se passait avec Gratien ? Eh bien, cela se passe très bien. Gratien est un homme adorable, parfait en tous points. Il m’attend le soir, j’arrive, le dîner est prêt et crois-moi, il cuisine très bien. Il commande les courses, le matin, nous discutons du menu ensemble et il s’occupe ensuite de tout. Il nous arrive de choisir des plats prépares par les chefs gastronomes. Tu les connais, c’est une super organisation, sertes on n’a pas le choix du chef mais c’est toujours bon et la surprise est plutôt sympa. Nous regardons des films ensemble, nous sortons même si c’est devenu difficile de trouver des lieux publics ouverts. Le contrôle de la sécurité est maintenant si exigeant que beaucoup de salles ont fermé. Seuls les mastodontes, maxi-salles informatisées subsistent. Ma mère me parle des petites salles qui faisaient le plein de son temps et je n’en crois mes oreilles. Il paraît que dans le quartier de Montparnasse, il y a avait tout plein de petites salles de théâtre, de musique, de chant, de cinéma… Tu imagines, ce devait être génial.
– Oui, c’est vrai ma grand-mère me raconte tout ça, elle aussi, elle m’a montré des        photos de son époque, c’est drôle de voir les voitures dans Paris, chacun avait sa voiture, ça fait drôle, du coup, c’était archi-pollué.
 – Hum, côté pollution, on n’est pas à envier. Tu sais que ce soir, je retourne rue de la Gaieté voir Madame Rêves sur mesure ?
 – Ah, tu t’es décidée ? Tu veux que je t’accompagne,   
 Peut-être, tu pourrais te libérer ?
– Pas de soucis, je préviens Gratien, et je te retrouve rue de la Gaieté. A quelle heure as-tu rendez-vous ?
– A dix-neuf heures.
– Eh bien, c’est d’accord, à ce soir ma chérie. Je te laisse, j’ai pas mal de trucs à boucler avant de soir. Bises.
– A ce soir et merci beaucoup.
Au final, ça me soulageait que MJ m’assiste, elle me connaissait bien, et je savais que je pourrais me fier à son avis avant d’appuyer sur le bouton de la commande définitive. En fait, c’était ce système irréversible qui m’affolait. Une fois commandé, tout se mettrait en marche, la fabrication de mon homme sur mesures commencerait et il me serait livré, pour usage immédiat.
J’eus beaucoup de difficultés à me concentrer après cet appel, et heureusement que mon slogan sur les sneakers était bouclée parce que sinon, cela aurait pu être catastrophique. Il est vrai que nous ne pouvions plus être licenciés, mais la situation était peut-être pire. Une fois entrés dans une entreprise, nous en devenons prisonniers, nous n’avons pas le droit de travailler pour un concurrent, à vie ! Il fallait changer de travail pour parvenir à changer d’entreprise et moi, je n’avais pas envie de changer de travail. C’est stressant ce que je fais comme boulot mai j’adore. J’ai pris un crayon, luxe suprême, moi qui ne travaille que sur ordinateur, et j’ai croqué l’homme de mes rêves. Il s’est retrouvé avec des cheveux bouclés, des yeux brillants et un nez un peu trop court par rapport à l taille de son visage mais je m’en moquais, il était beau, il était celui que j’allais commander. Il me faillit penser aux qualités que je lui demanderais d’avoir et de leur donner un ordre d’importance. J’ai aligné quelques adjectifs et je me suis demandé quelles étaient mes priorités.
Courageux, patient, souriant, chaleureux, sexy, de senteur agréable, la peau douce, une couleur de peau éternellement bronzée, en contraste avec ses yeux bleus, d’humeur stable, ouvert à la nouveauté… Le reste serait à cocher. En effet, Madame Rêves sur Mesure fournissait un questionnaire à choix multiple et la cliente avait à cocher. Si des contradictions surgissaient, elles étaient résolues par la machine, ce qui faisait que l’homme fournit correspondait à la commande mais gardait une toute petite marge d’incertitude due à ces fameuses contradictions.
Je sursautai, Dix-huit trente venaient de sonner dans l’open space, et la plupart des employés se leva comme un seul bloc, je renfilai les baskets que j’avais ôtés par confort et parce que le sol du bureau était recouvert d’une épaisse moquette si moelleuse que j’avais plaisir à la fouler pieds nus. Je m’emparai de mes affaires et sortis prendre l’ascenseur. Je me retrouvai dehors et commençai mon chemin de retour, en alternant trottoirs roulants et marche à pied. Quand je parvins ru de la Gaieté, devant la boutique, la porte était ouverte. Je la franchis et découvris Madame Rêves sur mesures et MJ en pleine discussion. Madame Rêves sur Mesure m’accueillit avec chaleur :
 –Bonjour mon petit, alors le grand jour est arrivé, installez-vous, je vous prie, nous reprenons le descriptif de vendredi dernier, avez-vous une remarque à formuler ?
– Oui, je voudrais qu’il ait un nez plus court, un petit nez un peu retroussé qui lui donne un air gai.
– D’accord, pour le reste, vous allez répondre au questionnaire. Faites bien attention, mais ne vous inquiétez pas, nous le vérifierons. Vous êtes prête ?
 –Oui, on peut commencer.
– Les questions défilèrent et je m’efforçai avec l’aide de MJ d’y répondre le plus fidèlement possible.
Deux heures plus tard, j’avais terminé, j’étais épuisée. Quelques minutes plus tard, Madame Rêves sur Mesure me remit le descriptif final, me demanda de le relire soigneusement. Ensuite, elle sortit un contrat et me demanda d’apposer ma signature. Ma main tremblait quand je dessinais mon paraphe.
– Oh quelle belle signature, vous avez ! Vous savez que la plupart des personnes ne savent plus signer avec leur main ?
– Ah, c’est vrai ? Mais c’est parce que moi, j’ai toujours dessiné, j’aime bien et c’est important pour mon job.
 Parfait, eh bien, chère petite Madame, il me reste à vous souhaiter une bonne fin de soirée et je vous donne rendez-vous dan un mois.
 D’accord, merci et à dans un mois, vous pouvez fixer le jour ?
 Oui, bien sûr, voyons le calendrier, cela donnera le vendredi 18 juin, pas de problèmes pour vous ?
 Pas de problèmes. A dans un moins, au revoir Madame.
Maeata et MJ sortirent de concert et MJ serra fort la main de son amie :
 Ne t’inquiètes surtout pas, elle va te fournir un super mec ! Allez, faut que j’y aille, Gratien m’attend et c’est si agréable d’avoir un homme qui vous attend à la maison. Tu verras, dans un mois, tu vas te régaler !
 Elles s’embrassèrent même si les baisers dans la rue et plus largement en public, avaient été interdits depuis quelques temps, pour respecter les autres citoyens.


Rendez-vous pour le prochain épisode le vendredi 25 mai…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

FEUILLETON : LE FOU DU 22, ÉPISODE 1

Épisode 19 : Inès Benlloch rencontre Océan Poulain

94 ROSES : ÉPISODE 20 : Inès Benlloch décide de la direction à donner à son enquête.