ÉPISODE 4 : PRÉPARATION DU RENDEZ-VOUS AVEC LES GJ.
ÉPISODE 4 : PRÉPARATION DU
RENDEZ-VOUS AVEC LES GJ.
Mercredi
16 janvier 2019
Toute
la journée, le président a vaqué à ses occupations habituelles, il n’a guère eu
le temps ni l’envie de penser à ce qui l’attendrait le lendemain. Quand enfin,
le soir arrive et que le commandant Pardon se présente à son bureau, il pousse
un soupir, ainsi cette histoire est réelle, il doit y faire face. Il ferme les
yeux un instant, il a peur, oui, il a peur. Il a quatre ans, il vient
d’entendre les éclats de voix entre son père et sa mère. Terré derrière le
rideau de la salle à manger, il n’ose pas en sortir. Les plis profonds du lourd
tissu de velours rose foncé le camouflent entièrement, pourvu que l’un ou
l’autre ne vienne pas brusquement les tirer comme c’est le cas, chaque soir,
avant de se rendre dans leur chambre à coucher.
Le
silence est revenu, la lumière s’éteint, il attend encore un peu, puis sort
prudemment de sa cachette. Personne en vue. Maintenant, il va lui falloir
gagner sa chambre par le couloir sombre. Il n’a aucune idée de l’heure. C’est
tout à fait par hasard qu’il s’est rendu tout à l’heure dans la salle à manger,
comme il ne parvenait pas à s’endormir, il pensait qu’il y serait tranquille
pour y chercher un livre ; habituellement, personne n’y vient, tard le
soir. Il n’a pas eu le temps d’ouvrir la bibliothèque, il a entendu du bruit et
il s’est planqué immédiatement. Ensuite, il y a eu cette dispute, ces éclats de
voix qui le font encore trembler, il déteste voir ls personnes s ‘affronter,
cela lui arrive à l’école, et quand c’est le cas, il ne s’en mêle jamais,
préférant s’exclure des clans qui s’opposent, il a horreur de prendre parti
pour l’un ou l’autre camp. Pour autant, il ne cherche pas non plus à jouer les
médiateurs, non, il observe le pugilat et attend qu’il se résolve de lui-même
ou qu’un adulte intervienne, ce qui arrive généralement assez vite. Les
Jésuites, enfin, ce qu’il en reste, apprennent ou tentent d’apprendre aux
élèves, l’art d’éteindre un conflit en écoutant les uns et les autres, sans
prendre parti, mais en proposant une solution qui convienne à chacun et qui
respecte le règlement de l’école. Il a beaucoup d’admiration pour cette méthode
et acquiert petit à petit, l’art du compromis. Il se promet d’y recourir quand
enfin, il sera suffisamment grand pour occuper une situation en vue dans la
société. Depuis toujours, il veut être aux commandes, non, il ne sera jamais un
de ces sous-fifres qui n’a pas droit à la parole.
La
voix du commandant Pardon le fait sursauter, il revient brutalement à la
réalité et lui dit d’entrer. Le commandant Pardon, lui, qui a répété plusieurs
fois, sur le seuil de la porte du bureau : Bonsoir Monsieur le président commençait à s’inquiéter sérieusement
de l’absence de réponse du président, il est rassuré, il entre et s’installe
prudemment sur le bord de l’un des fauteuils Régence, revêtu d’un tissu de soie
qu’il a peur d’abîmer. Il ne sait pas où mettre ses mains, sur les bras du
fauteuil, Non, trop détendu, jointes sur ses genoux, non, cela ne se fait pas.
Sur le bureau présidentiel ?
Il en est trop loin et ce serait un
manque de respect, alors il les garde en suspension, ce qui ne tarde pas
à le fatiguer et à tendre les muscles de son cou. Il entend l’huissier refermer
la porte du bureau, pourtant, l’homme a fait ce geste le plus doucement possible.
—
Bien commandant, vous avez disposé de toute la journée pour y réfléchir, alors
que proposez-vous pour demain ?
—
Monsieur le président, j’estime qu’il est impossible que vous vous rendiez à ce
rendez-vous, ce serait trop dangereux, imaginez qu’ils vous retiennent en otage
en échange du PM ? Je suis persuadé que c’est ce qu’ils ont prévu de
faire. Toute la journée, j’ai reçu des échos et messages des différents réseaux
de renseignement et ils sont unanimes, le but du mouvement des GJ, du moins, le
but du groupe de ceux qui ont enlevé le PM, est de vous avoir en face d’eux.
Rappelez-vous, à chaque rassemblement, à chaque appel de manifestation, c’est
votre nom qui revient.
Le
commandât arrête de parler, il n’ose pas citer les horreurs qui traversent les
manifestations, mais le président, lui, les entend come s’ils étaient à côté, M.
démission… Il visualise aussi ce mannequin qui le représentait et qui a été
décapité… Ces slogans hurlants contre sa personne…Ce que vient de dire le
commandant est exact, c’est à lui, à sa personne, et même plus qu’à sa
fonction, qu’ils en veulent. Mais
pourquoi le faire venir ? Pas pour lui couper réellement la tête,
l’échafaud a disparu, plus personne n’en fabrique plus et lui, n’est pas Louis
XVI, même si certains comparent sa chère épouse à Marie-Antoinette, mettant en
cause ses dépenses d’habillement, ce qui est parfaitement abusif parce que lui
est bien placé pour savoir qu’elle y laisse une bonne partie de sa retraite de
prof’…et que beaucoup de vêtements lui sont gracieusement prêtés comme cela a
toujours été le cas pour les femmes de président et pour certains politiques,
mais il sait aussi pour en avoir profité qu’un certain politique et pas des
moindres, est tombé pour ce genre de
cadeau… et que ces menus avantages peuvent être mal interprêtés par les
citoyens…
—
Bien, mais si je n’y vais pas, que proposez-vous ?
—
Je peux y aller à votre place ?
—
Et ensuite, que se passerait-il ? Ils me demanderaient de venir vous
remplacer, non, commandant, je n’ai pas d’autre solution, il me faut m’y
rendre. Qu’est-ce que je risque ? Ils vont vouloir m’exposer leurs
revendications, peut-être exigeront-ils que je signe un ou des engagements mais
cela n’aura aucune valeur puisque mon accord sera obtenu sous la contrainte.
J’y vais, je donne mon accord à toutes leurs revendications et ils me relâchent
ainsi que le PM.
—
Monsieur le président, ils vont vous filmer tout le temps de la rencontre, et
en temps réel, ils diffuseront sur les réseaux sociaux, non seulement les
images de la rencontre mais également les accords que vous signeriez. Vous ne
pourriez pas revenir en arrière. Imaginez par exemple et je ne choisis pas le
pire, ils vous demandent de rétablir l’ISF, vous signez, comment pourriez-vous
renier votre engagement ? Le peuple est massivement d’accord avec cette
proposition. Si vous agissiez ainsi, vous auriez comme résultat une
insurrection généralisée.
—
Mais alors quelle est la solution ?
— Bien,
dans tout conflit de ce niveau, et nous sommes en situation de guerre, il faut savoir
sacrifier quelque chose ou quelqu’un. Pou ma part, je suis pour l’affrontement.
Ils ne seront pas si nombreux que cela sur place et aux alentours, je peux
disposer de plusieurs régiments et nous n’aurions pas de difficultés à vaincre
par la force.
— A
vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
—Il
y aura péril, ils ne se laisseront pas faire.
—
Mais enfin, commandant, ils ne possèdent pas d’armes.
—
Qu’en savez-vous ? Ils ont au minimum des armes de poing et vous comme
nous, les avons vus à l’œuvre.
Plus de deux cent blessés parmi les forces de l’ordre…
—
Oui, mais là, vous ne leur opposez pas les gendarmes, les policiers, vous leur
opposez l’Armée, avec des armes létales.
—
Nous laisse-t-il le choix ?
—
Je ne sais pas. Certes, nous remporterions la bataille, mais nous perdrions la
guerre, Je crains qu’une révolte ne se propage dans tout le pays et que ce soit
la guerre civile. Fait-on la guerre contre son peuple ?
— Oui,
quand il s’agit de rétablir la paix civile. Après des semaines de protestation,
le peuple est fatigué, et même si les citoyens rencontrent des problèmes de vie
quotidienne, ils ne sont pas prêts à soutenir une action de guerre comme ce
qu’a engagé les GJ avec l’enlèvement du PM.
L’image du PM, tué par ses geôliers
traverse l’esprit du président. S’il était prêt à le remplacer, il n’est pas
pour autant enclin à mettre en place les conditions de son assassinat.
— La
solution serait peut-être de diffuser la nouvelle de l’enlèvement afin de voir
les citoyens se ranger de notre côté. Il faut isoler les extrémistes, je suis
persuadé que le peuple n’est pas pour la violence et parallèlement, vu la
situation d’extrême urgence, nous pourrions proposer de remplacer le grand
débat national par des rencontres et discussions au plan départemental avec
tous les volontaires, en espérant que les GJ se mettent à table.
Le
président ne peut s’empêcher de sourire il vient malgré lui de lancer une de ses
blagues qui peuvent être mal comprise, il n’a pas eu le temps de s’en empêcher,
il aime tellement l’humour… Il voit le commandant froncer ses rides de lion,
déjà très accusées et qui trahissent son âge, pourquoi ne fait-l pas comme lui,
un bon petit coup de botox ?
Quelle
décision le président et son commandant militaire vont-ils prendre pour faire
face à l’enlèvement du PM ?...
Prochain épisode le mercredi
23 janvier 2019
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