Épisode 4 : Le débrancheur ne débranche pas n’importe qui !

Épisode 4 : Le débrancheur ne débranche pas n’importe qui !


Inès referme le dossier de l’enquête numéro 6, l’enquête locale qui concerne l’avant-dernière attaque qui s’est déroulée à Perpignan, le 16 octobre 2019. La victime, une femme, n’a pas survécu à son débranchement. Inès a la photo de la jeune morte sous les yeux. Plongée dans un coma profond, elle était hospitalisée depuis deux mois, à la suite des blessures graves provoquées par les coups de son compagnon ; dont un traumatisme crânien, estimé par les médecins comme ayant des conséquences irréversibles sur le fonctionnement du cerveau de la jeune femme. Inès murmure :
 C’est fou ! Fou qu’il existe encore en 2019 ? Des femmes qui meurent sous les coups de leur compagnon. Que faudrait-il faire pour que cette ignominie s’arrête ?
Quand je pense qu’il y a des pays où le sort des femmes est bien pire, des pays où les femmes sont des sous-hommes, voire des esclaves. Tout en elle se révolte à cette idée. Elle serre les dents, cela ne lui arrivera jamais à elle. Elle a trop vu sa mère se faire taper par son père quand toute la famille  vivait encore en Algérie. Son père justifiait son comportement violent par un verset du Coran : Bats ta femme, tous les matins même si tu ne sais pas pourquoi.
Rien que ce verset justifie qu’elle, Inès, ait abandonné sa religion d’origine et son prénom qui la lui rappelait trop. Plus tard, elle a étudié plus à fond les différentes interprétations du Coran et elle a découvert que cette domination masculine prétendue par certains comme étant consubstantielle aux directives du Coran, tenait plus aux mœurs et à la culture du Proche-Orient qu’aux écritures du Prophète… Pour autant,  elle n’est pas revenue sur  son acte d’apostasie, préférant développer sa liberté intérieure, seule, et ne pas s’appuyer sur un monde où un Dieu quel qu’il soit, déciderait des règles qui s’imposeraient sur sa conduite de vie.
Bon, où en étais-je ? Et pourquoi ce dossier me plonge-t-il dans ma propre existence ? Qu’y a t-il de commun entre moi et les victimes du débrancheur ?
Ah, je comprends, c’est à cause de la jeune morte à la suite des coups de son compagnon, cela a fait remonter mes plus jeunes années et ma colère au souvenir de mon père portant la main et autres instruments de torture sur le corps de ma mère. Je me souviens, qu’à chacune des crises de mon père, je me mettais à trembler, je me cachais sous mon lit et je me bouchais les oreilles pour ne plus entendre les hurlements de ma mère. Et le lendemain, c’était pire, ma mère se couvrait intégralement, ces jours-là, elle portait sa burqa qui ne laissait entrevoir que ses yeux. Moi seule savais pour quelles raisons, elle camouflait son corps. Pendant les jours suivants, le plus grand calme régnait dans la maison, mon père se faisait discret, cherchait à lui rendre service, multipliait les attentions, il lui achetait des fleurs, alors ma mère me disait : Tu vois, ton père, il sait être gentil, ce n’est pas grave, quelques fois, il se met très en colère parce que je fais des bêtises, alors il me corrige puis ensuite, il redevient gentil. Quand je l’entendais me parler comme ça, ça me mettait en rogne, je lui disais : Mais comment peux-tu supporter qu’il te batte, parce qu’il te donne des coups terribles et après t’as des bleus et t’es obligée de porter ta burqa.
Elle disait : Mais non, ma burqa, c’est bien que je le matte de temps en temps, c’est par respect envers Allah, ce n’est pas pour cacher mes bleus. Ça m’énervait encore plus et je me promettais de ne jamais devenir comme ma mère,  d’être indépendante, d’avoir un travail et de fuir ce pays que pourtant j’aimais tant. Parfois, la lumière d’Alger me manque tellement que j’en ai les larmes aux yeux. Les plages de sable, la mer qui a un bleu toujours différent, les cabanes à kebab et les chips dévorés avec mes copines. Les courses à travers le souk, pour chercher des boucles d’oreille, ou un bracelet. Les cris du rémouleur le matin, le porteur d’eau, le cireur de chaussures, les vendeurs de cigarettes et autres bricoles…Toute cette vie de la rue à Alger… qui rend ma ville si vivante…
Arrête ! Tu t’embraques dans ta vie à toi, alors que tu devrais te pencher sur celle des victimes !
Je soupire, je suis si loin de mes débranchés et pourtant, il faut y revenir. Mais oui, je crois que… je vérifie… Oui, il ne débranche que des femmes, j’ajoute ce critère essentiel à la liste que j’ai commencé à dresser tout à l’heure. Descendante de familles illustres, femmes.
L’âge intervient-il ? Peut-être, elles ont toutes moins de quarante ans, donc âge de Vingt à trente-sept… Je décide de transmettre une instruction à tous les hôpitaux de France : Veillez en urgence disposer une caméra permettant de surveiller tout ce qui se passe autour des femmes hospitalisées plongées dans un coma profond, et âgées de vingt à trente-sept ans. Je suis sur le point d’ajouter, et dont un des ancêtres a été célèbre, mais je réalise que c’est une information que les hôpitaux ne possèderont pas ; Je dois d’abord faire les recherches pour lister ces fameux ancêtres et transmettre ensuite la liste définitive des femmes susceptibles d’être agressées.
Oui, je vais m’y mettre et reprendre les dossiers un par un…
Suite au prochain épisode…


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