ÉPISODE 13 : La LA LISTE DES PASSAGERS QUIBERON-BELLE-ILE
13 La liste des passagers Quiberon-Belle-Ile
Bateau de Belle-Ile - Photo Auray.org
Inès se
retrouve devant une liste interminable de passagers ayant emprunté un des
bateaux de la Compagnie Océane, le samedi 18 avril 2020 pour se rendre à
Belle-Ile et le dimanche 19 avril pour en revenir. En effet, pour être en
mesure de s'attaquer à la patiente, l'inconnu a nécessairement passé la nuit à
Belle-Ile, il lui faut donc cocher les personnes qui sont reparties le jour de
l'agression.
Elle commence
par barrer le nom de ceux et celles qui ont effectué un aller et retour au
cours de la même journée. Après plusieurs heures passées à ce petit jeu, Inès a
réduit de façon drastique la liste et elle éprouve une première satisfaction.
Maintenant, elle a sous les yeux, le nom de 210 personnes. Elle décide de croiser les noms obtenus avec
ceux des personnes hébergées à
Belle-Ile dans la nuit du samedi 18 avril au dimanche 19 avril.
Le capitaine
Kervadec lui a transmis les relevés effectués par les hôteliers et les logeurs
qui acceptent le paiement par carte. Ils sont au nombre de 180. La liste se
réduit car les paiements font apparaître des regroupements entre les passagers,
des couples et des familles. Elle pose l'hypothèse que le meurtrier a agi seul,
Il lui reste alors 45 personnes, c'est encore beaucoup. Elle pousse un soupir
devant la tâche, mais elle lance une recherche sur les noms sélectionnés. Le
moteur de recherche crache des informations qu'Inès imprime. Puis, elle se met
à étudier les biographies. Certaines sont assez complètes mais d'autres
renvoient à la page Facebook ou Linkedin et d'autres restent muettes.
Inès
réfléchit. Elle doit aussi suivre le conseil donné par Anastasie de Tolède, la
profileuse consultée par Dominique Vétoldi, à savoir, se procurer le nom des
personnes qui ont été hospitalisés en secteur psychiatrique. Devant le mutisme
et la résistance des services psy et des CMP, Inès a été obligée de renoncer à
obtenir le nom des personnes qui, lors de leur hospitalisation, ou à l'occasion
des soins qui leur ont été prodigués, auraient fait état de leur passion pour
la Révolution Française. Néanmoins, elle a obtenu le nom des personnes qui ont
été soignées dans un service spécialisé pour des troubles psychiatriques en
Bretagne, ces personnes sont au nombre de trente-deux mille neuf cents, ce qui
paraît énorme, mais qui correspond à la statistique nationale, qui est que 1%
de la population française souffre de troubles psychiatriques. Elle consulte le
chiffre des personnes qui ont été hospitalisés en service psychiatrique, à
temps partiel et à temps plein et il correspond au 1% évoqué. Elle a la liste
des noms, cela a été très compliqué à obtenir car les centres de soin voulaient
opposer le secret médical, mais un ordre est parti du Ministère de la Santé
vers l'agence régionale de santé qui l'a répercuté sur les établissements.
Heureusement
que les ordinateurs peuvent faire ce travail, moi j'y aurais passé des heures.
Inès a parlé à voix haute.
Le comparateur
de noms effectue le croisement entre les noms des passagers qui ont passé la
nuit à Belle-Ile et celui des patients ayant été hospitalisés, l'année
précédente. Le chiffre donne quatre personnes, voilà qui devient raisonnable.
Inès tape le nom de ces quatre personnes, elle obtient des informations sur
trois d’entre elles ;
Premier
individu : Erwan le Menec, Homme, âgé de trente-cinq ans, professeur de
français au lycée de Quimper, hospitalisé pour tentative de suicide à la
clinique de Ker Joie, à Bréhan, en service de Penn Ker, c’est à dire à temps
plein. Le séjour a duré trois semaines, mais l’enseignant n’a repris son
travail qu’à la rentrée suivante, en septembre 2019.
Deuxième
individu : Florine Koadec, Femme âgée de cinquante-trois, aide-soignante
en EPAD, hospitalisée à la maison An Tremen, pendant deux mois, pour dépression
en août et septembre 2017. N’a pas repris son travail.
Troisième
individu : Jean-Malik el Kharmaz, homme âgé de vingt-deux ans, hospitalisé
à la clinique Saint-Vincent à Larmor-Plage, après un délire schizophrénique,
pendant trois mois, en mai, juin, juillet 2015, puis suivi depuis au CMP de
Pontivy.
Quatrième
individu : Oriane Québert, femme âge de trente ans, hospitalisée à la
clinique du Golfe, pendant deux mois, après une tentative de suicide.
Inès envoie un mail aux quatre
établissements de soins afin de se voir communiquer les adresses des quatre
personnes. Elle met en copie apparente le capitaine Kervadec. Une fois ceci
fait, Inès appelle le capitaine Kervadec pour lui demander s’il a reçu le
planning des soignants pour la période qui s’est déroulée entre le 1er janvier
et le 18 avril 2020. Il confirme et la lui envoie immédiatement. La directrice
a entouré de rouge le nom des employés intérimaires. Ils sont au nombre de
trois, un agent d’entretien, une infirmière et un aide-soignant. Tous les trois
sont employés régulièrement par une agence d’intérim médical qui rayonne sur
toute la Bretagne. Seul l’homme d’entretien n’était pas connu auparavant par
l’hôpital de Belle-Ile. Il est intervenu en février 2020, pour effectuer le
remplacement d’un agent d’entretien en arrêt maladie. Par contre… il s’appelle
Jean-Malik El Kharmaz… Et ça c’est top ! Le jeune homme a été hospitalisé
pour délires et il reste suivi par le CMP de Pontivy. Inès manipule son
téléphone dans tous les sens, elle brûle de demander à la directrice si elle
savait avant de l’employer que l’agent d’entretien avait été soigné pour des
troubles mentaux. Mais le peut-elle ? Madame Rémusat lui a clairement
signifié qu’elle ne répondrait plus à ses questions et qu’elle souhaitait n’avoir
affaire qu’au capitaine. Déranger encore le capitaine ? Délicat aussi.
Alors à qui s’adresser ? Inès se lève, elle a pris sa décision, elle
retourne à l’hôpital. Dés son arrivée, s’apercevant que le hall est désert,
elle salue la réceptionniste :
— Bonjour chère Madame, Vous allez
bien ?
— Oui, ça va.
— Je voulais vous vous souvenez d’un
jeune homme qui a travaillé ici, au mois de février, Jean-Malik El Kharmaz.
— Oui, je vois qui c’est ;
qu’est-ce qui se passe, il a fait un mauvais coup ?
— Non, pas du tout, je souhaite juste
avoir l’opinion que vous avez gardé de lui.
— Eh
bien, je le trouvais pas net, ce garçon, d’abord, il fumait et ça c’est pas
bien. Bien sûr, il sortait dehors quand il fumait, mais il portait l’odeur sur
lui. Après son remplacement, la directrice lui a dit qu’elle informerait
l’agence d’intérim qu’elle ne ferait plus appel à lui.
— Pour quelles raisons
exactement ?
— Ben quoi, je vous ai dit qu’il
fumait, ça vous suffit pas comme raison ? Un garçon qui se drogue n’est
pas à sa place dan un hôpital, enfin si, mais comme malade.
— S’il s’en tenait au cannabis, ce
n’était pas bien grave.
— Mais enfin, c’est interdit !
— Oui, c’est interdit mais presque tous
les jeunes fument plus ou moins.
— C’est bien triste, ils pourraient faite
aut’chose, surtout que lui, cela l’avait rendu malade. Il m’a dit qu’il avait
été hospitalisé en psychiatrie, il y a quelques années. Je ne comprends pas
qu’après ça, il n’ait pas décidé d’arrêter. En plus, il avait pas l’air bête,
il pourrait suivre une formation d’aide-soignant s’il arrêtait. Il aurait un
avenir, alors que là, il se traîne dans la vie.
— À part la fumette, vous vous souvenez
d’autre chose ? Quelle relation avait-il avec les malades ? Il leur
parlait ? Il s’intéressait à eux ?
— Je ne
sais pas, mais aucun malade ne s‘est plaint de lui. Je crois qu’il était plutôt
gentil avec eux, poli et puis, vous savez avec le peu de temps qu’il passait à
nettoyer les chambres, il n’avait pas le loisir d’échanger beaucoup. On le
voyait aussi dans les couloirs à pousser sa machine à laver le sol.
—
Vous avez eu de ses nouvelles depuis Février ?
—
Ah non, y’avait pas de raison.
—
Pensez-vous qu’il soit resté en relation avec un membre du personnel
ici ?
—
Peut-être avec Mélina, une des
aides-soignantes, une fille de son âge.
—
Elle travaille aujourd’hui ?
—
Oui, je l’ai vue passer ce
matin, vous voulez que je lui demande de venir vous voir ?
—
Ce serait possible ?
— Oui, si vous ne lui prenez pas trop de temps. Il est quatorze heures,
donc, là, on ne la dérangera pas de trop. Elle doit être en train de boire un
café, vu qu’elle a commencé à sept heures. Je la préviens, rappelez-moi
vot’nom, déjà ?
—
Inès Benloch.
—
Ah oui, c’est ça, Madame
Benloch. Vous êtes bretonne, hein ?
La réceptionniste affiche un si
large sourire de connivence qu’Inès décide de ne pas la contrarier. Elle
actionne son téléphone interne. Quelques minutes plus tard, Mélina Daillant
arrive…
Suite au prochain épisode…
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