ÉPISODE 17 : RETROUVAILLES DE DOMINIQUE VÉTOLDI ET D’INÈS BENLOCH
ÉPISODE 17 : RETROUVAILLES DE DOMINIQUE VÉTOLDI
ET D’INÈS BENLOCH

Port-Maria à Quiberon, Photo Breizh-youte.fr
Le lendemain de son dîner en compagnie du capitaine Kervadec, Inès Benloch a des difficultés à se lever au point qu’elle arrive au port juste à temps pour attraper le bateau ; pourtant elle n’a pas réservé sur le premier départ, mais elle a choisi celui de neuf heures trente dont l’arrivée à Quiberon lui laissait largement le temps d’être à Auray pour retrouver le commissaire Vétoldi, comme prévu.
La marche
de la veille vers la Croix des Acadiens lui a laissé des courbatures et en
plus, elle est rentrée très tard à la suite
de son dîner. En réalité, Inès a eu beaucoup de difficultés à faire comprendre au capitaine que le moment se séparer était venu.
de son dîner. En réalité, Inès a eu beaucoup de difficultés à faire comprendre au capitaine que le moment se séparer était venu.
Certes, le capitaine s’est montré charmant, mais
justement, Inès ne s’attendait quand même pas à ce qu’il lui fasse la cour. Or,
c’est bien ce qu’il a osé faire…
Elle lui avait accordé ce rendez-vous, en pensant
qu’il serait strictement professionnel, mais elle s’est trompée, le capitaine
Kervadec a surtout insisté sur sa vie personnelle et Inès s’en serait bien
passée. Pourtant, il ne lui est pas désagréable mais jusqu’à présent, elle a
évité de mélanger sa vie professionnelle et sa vie privée mais hier soir, la
frontière qu’elle s’est attachée à bien délimiter, depuis ses débuts dans le monde du travail, a été
sérieusement chahutée. Kervadec est carrément parti dans des confidences, il
est de nouveau célibataire depuis son divorce, mais il aimerait retrouver une
compagne. Il a décrit sa future compagne d’une façon telle qu’Inès a eu le
sentiment qu’il la décrivait…
Brune avec des cheveux bouclés, des yeux verts, la
peau mate, grande mais sans excès, en tout cas pas plus que lui… Et justement Inès
a la même taille que lui. Il a dit :
— C’est très agréable d’avoir la même taille que sa
partenaire, parce que quand on se parle, les yeux sont au même niveau, c’est
important les regards échangés, n’est-ce pas ?
Au moment où il a dit ces mots, son regard brillait et
Inès connaît bien le regard des hommes quand il brille de cette façon, elle
sait que c’est la première étape avant d’avancer vers le lit. Elle
murmure : C’est vraiment chiant…
Son voisin, un Monsieur d’un âge certain mais équipé
d’oreillettes qui l’aident à bien entendre, lui demande :
— Vous avez des ennuis, Mademoiselle ?
Elle le
regarde, surprise, puis répond tout simplement :
— Oui, en effet, j’ai toujours un peu de difficultés
quand un homme me fait la cour et que nous sommes dans un contexte
professionnel. J’ai besoin de lui mais je n’ai pas envie de sortir avec lui.
— Vous lui avez peut-être laissé des espérances ?
— Moi, pas du tout !
— Avez-vous accepté de dîner avec lui ?
— Oui, mais c’était un dîner de travail.
— Croyez-moi, les dîners de travail n’existent pas,
ils ne sont qu’un prétexte pour certains hommes et certaines femmes pour poser
des pions en vue de faire avancer la relation avec une personne qui leur plaît,
vers davantage d’intimité. Le soir précède la nuit et pour peu que le ciel soit
étoilé, l’homme peut prendre des prétextes pour tenter sa chance.
— Vous êtes devin ou quoi ?
— Non, je ne suis pas devin mais j’ai été un grand
dragueur devant l’Éternel et je me souviens des procédés que j’employais pour
séduire une femme. Vous a t-il dit qu’il était seul, après avoir vécu un
divorce douloureux, divorce qui est largement dû à son emploi du temps
surchargé qui ne lui laissait guère le temps pour la bagatelle…Et que
maintenant il aimerait refaire sa vie, rencontrer une femme qui vous
ressemble…Et tout ça à la lueur des bougies d’un restaurant où les tables sont
couvertes d’une belle nappe blanche.
— Bingo, vous m’impressionnez, c’est exactement ce
qu’il m’a dit, j’ai l’impression que vous avez assisté au dîner. Où étiez-vous
hier soir ?
— Ah, ah, ah, je n’ai nul besoin d’avoir été présent
pour vous rapporter ses propos, je les connais par cœur. Ce sont les propos
d’un séducteur, et comme j’en étais un, cela m’est facile de les imaginer.
Alors maintenant, pour savoir comment vous comporter, je dois savoir si cet
homme vous plaît ou si vous souhaitez vous en débarrasser ?
— En fait, je travaille avec lui, nous menons une
enquête sur la mort d’une personne.
— Vous êtes policière ?
— Non, je suis détective privée, je travaille avec le
commissaire Vétoldi, vous le connaissez peut-être ?
— Vétoldi ? Non, ce nom ne me dit rien.
— Il était commissaire de police au Quai des Orfèvres
et après un différend avec le patron du Quai, il a préféré ouvrir un cabinet de
détective privé. Il m’a embauchée il y a quelques mois.
— Et avant, vous faisiez quoi ? Mère de
famille ?
— Ah non, pas du tout, je n’ai pas d’enfants, je
faisais partie des services secrets.
Le vieil homme ouvre la bouche de stupéfaction, il
fixe Inès d’un regard ébahi et lâche :
— Ah, je ne l’aurais pas dit, vous voyez, mes visions
sont limitées.
— Non, mais
justement, quand on est agent secret, on ne doit surtout pas avoir l’air
d’en être un, sinon, la mission, c’est foutu avant
même de la commencer.
— Pour en revenir à la
problématique que vous évoquiez, cet homme qui a des visées sur vous, comment
comptez-vous l’écarter ?
— Il n’est pas question de l’écarter, je vous ai
expliqué que j’avais besoin de lui.
— Vous voulez le ramener sur le terrai professionnel,
c’est bien ça ?
— Oui.
— Alors, c’est simple,
pantalon obligatoire, pas de décolletés, et pas de dîners, uniquement des
rendez-vous à son bureau car vous-même, je suppose que vous n’avez pas de
bureau à Belle-Ile ?
— Non, je ne travaille
pas en permanence à Belle-Ile. Remarquez, c’est bien dommage mais il faut
reconnaître qu’il ne s’y passe pas suffisamment d’incidents graves pour que je
puisse avoir de quoi m’occuper.
— Ah ça
c’est bien vrai ! Belle-Ile est un endroit de pax et de calme et c’est
bien la raison pour laquelle je m’y suis installé voilà maintenant quarante
ans.
— Vous y
avez travaillé ?
— Oui, j’ai été enseignant
au Palais, instituteur puis directeur d’école, j’y ai fait toute ma carrière et
je ne le regrette pas.
— Vous êtes à la retraite ?
— Oui, heureusement, vous
me voyez, moi, à mon âge, devant
une classe ? Je n’aurais aucune autorité et avec les loustics
d’aujourd’hui, croyez-moi qu’il en faut de l’autorité. Ce sont des chenapans
tous autant qu’ils sont. On ne parvient plus à les tenir assis, ils ont la bougeotte,
ils se prennent pour les personnages de leurs jeux vidéo. Vous avez déjà observé
des mômes qui jouent ? Ils vont à une vitesse supersonique. Ils tapent si
vite que moi, je n’ai même pas le temps de voir la scène à laquelle eux
apportent une réponse en un temps record.
— C’est vrai, ils sont époustouflants mais plus on
joue et plus on va vite, c’est une question d’entraînement, pas seulement d’âge
précoce.
— Vous jouez, vous ?
Inès
sourit :
— Oui, un
peu, ça m’arrive.
— Alors on aura tout
vu, si même les jolies jeunes femmes se mettent à jouer aux jeux vidéo c’est
que le monde a trop changé pour moi. Ah, voilà, nous arrivons, le bateau est
sur le point de prendre son virage, je suis toujours très impressionné par cet
instant, j’ai peur que le bateau s’ensable à marée basse ou encore qu’on rentre
dans les murs qui cerclent le port. Au revoir Mademoiselle et merci pour ce
moment passé de façon si agréable, j’ai eu l’impression d’avoir rajeuni de
quarante ns. À bientôt peut-être sur le bateau.
— À
bientôt, Monsieur et merci pour vos conseils, je vais les mettre en
application.
Le
vieil homme est déjà presque parvenu à l’escalier, il marche vite…le téléphone d’Inès
bipe, un texto, elle regarde, c’est Vétoldi qui lui écrit :
Bonjour, vous êtes en route pour Auray ?
Oui, je vais descendre du bateau,
prendre le car et j’arriverai à la gare d’Auray vers 11h40.
Parfait, mon train sera quai, à
11h42. On ne pouvait pas faire mieux. J’espère que vous
avez réfléchi aux questions que vous poserez à notre jeune homme.
Je pensais que c’était vous qui l’interrogeriez et c’est pour
ça que je vous ai appelé au secours.
C’est vous qui menez cette enquête,
Inès ! Installez-vous au buffet de la gare, nous prendrons quelque chose.
À tout à l’heure. D.V.
Inès monte dans le car pour Quiberon, mais le roulis
du car a bientôt raison de sa fatigue et elle s’endort. Le remue-ménage des
voyageurs qui descendent à la gare d’Auray la fait sursauter et elle descend
encore toute ensommeillée. Elle court jusqu’au buffet, s’engouffre dans les
toilettes pour remettre ses cheveux en place et se poudrer le nez, avant
l’arrivée du commissaire Vétoldi. Quand elle ressort des toilettes, il est déjà
là, assis à une table, son regard plongé dans la carte du tire-bouchon[1]…
Suite au prochain
épisode, mercredi prochain…
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