ÉPISODE 6 - Belle-Ile, Phare de Kerdonis
6 - Belle-Ile, Phare de Kerdonis
De
retour à Palais, Yves Kervadec et Dominique Vétoldi se retrouvent dans le
bureau du capitaine, à la gendarmerie. Dominique Vétoldi tire la conclusion de
leur escapade à Hoëdic :
—
Après ce que nous a dit Awenig, l'urgence serait que je fasse la connaissance de
Swan Smith, qu'en penses-tu ?
—
Oui, je suis d'accord et aussi, de l'employée de maison des Colombo. Ce serait
facile, car, je te le rappelle, elle est gardienne de la propriété avec son
mari.
—
Bon, O.K., comment pourrais-je la rencontrer ?
— Vétoldi,
vous voulez me faire faire votre boulot ! Voici comment je procèderais à ta
place : je commencerais par voir le pêcheur, ce soir, au retour de son
bateau, sur le port, disons vers 17 heures.
—
J'y serai. Comment s'appelle l'employée de maison des Colombo et que sais-tu
d'elle ?
—
Son nom est Calmech Walsh. Elle est Irlandaise. C'est une femme qui a eu onze
enfants. Quand elle a quitté son pays pour travailler pour les Colombo, sa mère
s’est installée chez elle, pour s'occuper des plus jeunes.
—
Est-ce qu'elle était déjà là du temps de la première femme ?
—
Bien sûr, c'est elle qui l'avait embauchée.
—
C'est étonnant que la deuxième l'ait gardée.
—
Non, parce que c'est compliqué de
licencier une personne quand vous la logez. Et puis, la deuxième femme, elle
venait peu. Je crois aussi que Monsieur Colombo lui faisait confiance.
—
Bien, quelle heure est-il ?
—
Quinze heures.
—
Donc, j'ai le temps de la voir avant de rencontrer le pêcheur, j'y vais tout de
suite.
—
Préviens-la avant de te pointer, elle ne t'ouvrirait pas, le portail est fermé
à clé et il y a une caméra. J'ai son téléphone, parce qu'elle m'a appelé l'été
dernier, pour me dire qu'il y avait des gens qui rôdaient autour de la
propriété, elle voulait que j'envoie quelqu'un.
— Vous
l'avez fait ?
— Pas
immédiatement, mais plus tard, oui, deux gendarmes se sont rendus sur place,
mais quand ils sont arrivés, les oiseaux s'étaient envolés, il n'y avait plus
personne. Voilà son numéro, j'ai son fixe et son portable. Tu veux que ce soit
moi qui l'appelle ?
—
Non merci, je vais le faire, n’oublie pas que je suis chargé d'une enquête privée
pour le compte de sa première patronne.
—
OK, tu souhaites la joindre depuis la gendarmerie ?
—
Merci Kervadec pour ton aide, je file, je téléphonerai tranquillement depuis l'hôtel.
À plus, je te tiens au courant.
—
À bientôt commissaire, heureux de t'avoir retrouvé et de plus sur cette
enquête. J’espère bien que tu vas en boucher un coin à ce Lafeuille !
Le commissaire Vétoldi se
contente de sourire, lui aussi est heureux de revoir le capitaine et surtout
d’avoir son soutien logistique, son enquête en sera et en est déjà grandement
facilitée. Il sort de la gendarmerie et Tout en prenant le chemin de son hôtel, il sifflote un air de Carmen,
avec les paroles bien en tête qu'il approuve entièrement :
L'amour
est enfant de bohème
Il n'a jamais jamais connu de loi
Si tu ne m'aimes pas je t'aime
si je t'aime prends garde à toi.
Il n'a jamais jamais connu de loi
Si tu ne m'aimes pas je t'aime
si je t'aime prends garde à toi.
Quinze minutes plus tard, il
est dans sa chambre et il appelle l'employée de maison des Colombo :
—
Bonjour Madame Walsh, je suis Dominique Vétoldi, Madame Viviane Colombo m'a
confié une enquête sur la mort de son ex-mari. Je voudrais vous rencontrer,
serait-ce possible aujourd'hui ?
—
Wait a minute, vous avez dit, Madame Viviane Colombo, la première, vous voulez
dire, c'est bien ça ?
—
Oui, c'est exact.
—
Mais moi, je suis l'employée de la deuxième Madame Colombo, je vais avoir des
ennuis si je vous vois. Il faudrait qu'elle me donne son accord.
—
Je veux juste bavarder un moment avec vous, c'est une conversation privée, vous
n'avez pas à vous inquiéter, et je n'en aurai pas pour longtemps.
—
Il faudrait que mes voisins ne vous voient pas entrer, comment on pourrait
faire ?
—
Vos voisins vous surveillent ? Ils voient qui entre dans la propriété ?
—
Non, pas vraiment, mais on ne sait jamais, vous êtes qui ?
—
Je vous l’ai dit, je suis détective privé, et à la demande de madame Viviane
Colombo, j'enquête sur la mort de Monsieur Colombo, j'ajoute que je suis tenu
au secret. Personne ne saura rien de notre entretien.
—
La deuxième non plus, vous êtes certain ?
—
Non, je vous le promets.
—
Alors, venez tout de suite. Voici l'adresse : Hameau de Kerdonis, non loin du
phare, à deux kilomètres au nord-est du centre de Locmaria. Quand vous arrivez,
ne sonnez pas au portail principal, mais faites le tour du jardin, j'aurai
ouvert la petite porte au fond du jardin, qui donne côté mer, je serai là à
vous attendre. Vous arrivez dans combien de temps ?
— Je
suis à Palais, je viens à vélo, je peux être là, dans quarante minutes environ.
— D'accord.
Dominique
Vétoldi se frotte les mains, non seulement il va faire une rencontre
intéressante, mais il va essayer son nouveau vélo pour la première fois à
Belle-Ile. Une petite folie, ce vélo, ultra léger, il en rêvait depuis un bon
moment et il se l'est offert il y a un mois. Il a drôlement bien fait de l'apporter,
jamais les loueurs de l'île n'auraient été en mesure de lui fournir un bijou
pareil, sur le plan mécanique et même sur le structure dont le poids est
inférieur à cinq kilos ! Il récupère son précieux engin dont le cadre bleu
s'assortit si bien aux couleurs de l'île ; il accroche son portable sur le
petit cadre qu'il a fait ajouter sur le guidon, lors de la commande de son
vélo, puis il prend la route de Locmaria.
Au
lieu d'emprunter le chemin des bicyclettes, il se dirige vers la route, ce qui
lui permet de gagner beaucoup plus rapidement Locmaria. Une fois en vue de la charmante
petite ville, il bifurque sur sa gauche vers le phare et quelques minutes plus
tard, il aperçoit le monument rendu illustre par l'attitude héroïque de la famille
Matelot.[1] Il se
promet d'y revenir pour le visiter, à une autre occasion, et il se dirige vers
la propriété des Colombo, à quelque deux
cent mètres de là. Le portail principal est fermé, et il fait le tour, après
être descendu de son vélo et parvient à la petite porte, côté océan. La vue est
somptueuse, les vagues battent la falaise avec vigueur et les jours de tempête,
le spectacle doit être inoubliable. Son regard revient vers la porte, à deux
pas, une femme à la chevelure rousse se tient toute droite. Il s'avance en
poussant son engin :
— Bonjour
Madame, merci d'avoir accepté de me recevoir.
—
Bonjour Monsieur, entrez.
Elle
le conduit vers la maison, il laisse à regret son vélo contre l’appentis, mais
il enclenche l'alarme, on ne sait jamais. Madame Walsh précise :
—
Si cela ne vous ennuie pas, on va s'installer dans la cuisine, je n'aime pas
ouvrir la pièce quand Madame n'est pas ici, elle pourrait s’en apercevoir quand
elle viendra ici. Dans la cuisine, je suis chez moi.
Dominique
Vétoldi approuve d'autant plus qu'il a toujours adoré les cuisines. Madame
Walsh le fait assoir et en fait autant, la théière siffle sur le feu, elle
propose du thé que Vétoldi accepte aussitôt.
— C'est du thé de chez moi, un
bon Barry tradition, vous le buvez nature, ou avec du citron, ou du lait ?
—
Du citron, s'il vous plaît.
Madame
Walsh sort du placard, une grosse boîte de métal décorée de figurines
traditionnelles bretonnes, elle l’ouvre et la pose sur la table :
—
N’hésitez pas à y goûter, c’est moi qui les ai faits et ils sont tout frais.
Vétoldi
prend le temps de goûter son thé et de déguster un biscuit, il félicite son
hôtesse sur leur qualité, puis il pose sa première question :
—
Je me suis entretenu avec le capitaine Kervadec qui vous connaît, il m'a dit que
c'était la première Madame Colombo qui vous avait embauchée.
—
C'est exact, c'est bien elle, mais ensuite je suis restée avec la deuxième.
—
Elle ne vit pas ici ?
—
Non, elle habite à Vannes mais elle est ici à toutes les vacances avec les deux
petits et des vacances, il y en a souvent. Monsieur Colombo adore ses
enfants... Enfin, malheureusement pour les petits, il adorait ses enfants. Quel malheur, Monsieur était si gentil, si
généreux.
—
Est-ce que vous êtes restée en relation avec Madame Viviane Colombo ?
—
La première année après leur séparation, Madame Colombo m'a envoyé une carte
pour la bonne année, mais après, je lui ai dit qu'il valait mieux pour moi de
ne pas m'écrire ici. Je lui ai donné l'adresse d'une amie pour que si elle
voulait me donner des nouvelles, c'était mieux qu'elle passe par elle. C'est ce
qu'elle a fait.
—
Ah très bien. Vous pouvez me dire comment s'est passée leur séparation ?
—
Pas très bien, mais c'est allé vite. Ils se disputaient beaucoup avant et puis,
Madame numéro deux travaillait, elle aussi à l'entreprise et du coup, ça a été
vite. Monsieur a demandé le divorce et il a quitté la maison, il dormait à
l'appartement du Palais, ou à Vannes où il partageait une maison avec la
nouvelle Madame Colombo. Madame Viviane s'est retrouvée toute seule ici, elle
pleurait beaucoup et puis un jour, elle m'a dit qu'elle partait, que de toute
façon, le divorce était inévitable. Je me souviens que c'était après qu'elle a
appris la naissance du fils de la deuxième. On s'est dit au revoir et elle est
partie habiter à Rennes. Je crois qu'au début, elle vivait chez sa mère et
après le divorce, elle a acheté un appartement. Tout ça, c'est loin maintenant,
et j'ai appris qu'elle avait retrouvé quelqu'un.
—
Ah ? Elle ne m'en a pas parlé. Est-ce que vous savez si Monsieur et Madame
Colombo se revoyaient ?
—
Eh bien, pendant au moins cinq ans, non, ça je suis certaine, mais plus tard,
oui, je crois qu'ils se voyaient de temps en temps, ils ont eu deux garçons
ensemble.
—
Donc, à votre avis, leur relation était apaisée ?
—
Oui, c'est sûr.
—
Et entre Monsieur Colombo et la deuxième épouse, ça se passait comment ?
— Quand
elle était ici, ça se passait bien, mais elle est pas tout le temps là. Je ne
sais pas comment ça se passe à Vannes, elle est souvent seule.
—
Elle a une employée là-bas, vous la connaissez ?
—
Non, elle a une dame pour le ménage et la cuisine, mais qui n'habite pas sur
place, elle rentre le soir chez elle. Je ne la connais pas mais je l'ai déjà
eue au téléphone.
—
Elle vous a raconté des choses sur les Colombo ?
Madame
Walsh se racle la gorge, elle hésite, alors Vétoldi l'encourage, alors elle
glisse :
—
Un peu...
—
Mais encore ?
—
Bon, vous gardez ça pour vous, elle m'a dit un jour que Madame Colombo
s'ennuyait pas quand Monsieur n'était pas à Vannes, qu'elle avait un ami quoi,
qu'y venait les soirs que Monsieur Colombo était pas chez lui..
—
Comment le savait-elle ?
— Eh bien, quand vous êtes l'employée, vous voyez
les produits de la salle de bains et donc vous pouvez voir s'il y a un homme à
la maison.
— Vous pensez que Monsieur
Colombo était au courant ?
—
Je ne sais pas, elle prenait ses précautions et elle faisait toujours changer
les draps avant son retour.
—
Donc, elle ne voulait pas divorcer ?
—
Pensez-vous ! Elle est pas folle. Il lui apportait tout l'argent qu'elle
voulait, elle avait arrêté de travailler après son installation avec lui. You don't kill the goose that lays the golden eggs[2].
— Vous voyez
autre chose à me dire à propos de la deuxième épouse ?
Madame
Walsh paraît réfléchir puis elle dit :
— Je crois pas
qu'elle va être triste de l'avoir perdu.
|
— Vous pensez qu'elle gardera
cette maison ?
— Ma foi, j'en sais rien de
rien. Sûrement que ça dépendra de l'argent qu'elle aura.
— Monsieur Colombo avait
certainement souscrit une assurance-vie. Elle doit être à l'abri du manque. Il
savait que s'il disparaissait, l'héritage serait réparti avec ses enfants du
premier mariage, il l'a certainement protégée elle et ses enfants. je verrai ça
avec son notaire.
—
Je m'excuse, mais j'entends le téléphone sonner, c'est peut-être madame qui
appelle, faut que je réponde.
Elle
file au salon, et Vétoldi l'entend parler.
—
Oui Madame, bien sûr Madame, je comprends. Je vous attends demain, tout sera
prêt.
Elle
raccroche et revient dans la cuisine:
—
Je m'excuse, mais je vais avoir à faire, entre les courses et les chambres à
préparer, Madame arrive demain avec les petits pour déjeuner. Elle doit régler
les obsèques de Monsieur, vu qu'il veut se faire enterrer ici, dans son jardin,
et qu'elle a eu l'autorisation... C'est pas bizarre, ça, non ?
—
Bon, je comprends, je vous remercie, je reviendrai peut-être vous voir une
autre fois. Madame Colombo vous a-t-elle dit si une messe serait célébrée à la
paroisse de Locmaria ?
—
Non, elle m'en a pas parlé, mais elle peut pas l'enterrer comme un chien, déjà
qu'il sera pas dans un cimetière, alors... C'est pas possible qu'il y ait pas
de messe à l'église...
—
Il était pratiquant ?
—
Non, mais vous savez, quand les gens meurent, ceux qui restent, ils aiment
qu'il y a une cérémonie. Déjà qu'en plus ils étaient divorcés, s'il veut aller
dans le Royaume de Dieu, il lui faut bien une messe et peut-être pas qu'une !
—
Quand vous en saurez plus, surtout prévenez-moi, je vous laisse ma carte, vous
pouvez m’appeler ou me laisser un message.
Dominique
Vétoldi quitte la maison et reprend son vélo. Cette fois, il va rentrer à
Palais par le circuit des vélos.
Une
fois sur le sentier, à l'abri des véhicules à moteur, il ferme les yeux et
s’efforce d’aller droit quand même. Le vent lui caresse le visage. C’est un pur
délice, il a l’impression que sa bicyclette avance toute seule, tellement elle
est légère. Il est heureux, mais quand il approche du Palais, ses
préoccupations reprennent le dessus de ses pensées ; depuis le haut de la
côte qui descend vers le centre du Palais, il roule prudemment et à seize
heures quarante-cinq, il se retrouve au port, près de l’endroit où une poignée
de pêcheurs a déjà débarqué sa prise du jour. Lequel est Smith ? Il a
oublié de demander sa description à Kervadec mais il a du temps devant lui
jusqu’à la fin de la vente des poissons. Il revient vers l’endroit où le bateau
qui assure la liaison avec la côte est amarré. Le soleil est encore haut dans
le ciel, il cligne des yeux et détourne le regard de la mer.
[1] Le 18 avril 1911, le gardien du phare meurt
subitement, sans avoir eu le temps de remettre en route le système d'allumage
intermittent qu’il était en train de nettoyer. Les deux aînés de ses enfants,
Marie, quatorze ans et Charles, treize ans,
manœuvrent le mécanisme, à la main, durant toute une nuit. Source : Journal,
l'Illustration du 17 juin 1911
[2]
You don't kill the goose that lays the golden
eggs : On ne tue pas la poule aux oeufs d'or.
[3] Slan agat : Au revoir en langue gaélique
je viens de l'acheter pour ma kobo ainsi que Meurtre à l'Assemblée. voici mon blog :
RépondreSupprimerhttp://letempsdunlivre.home.blog à visiter, vous arrêter, vous abonner.
à très bientôt. dès que ma lecture pour l'un des 2 de vos polars sera lu, je ferais un retour sur mon blog et sur mon groupe :
https://www.facebook.com/groups/266294540495881/
bonne fin de dimanche, Manoue