LE PUITS : ÉPISODE 13 : OPÉRATION DE SURVEILLANCE

 ÉPISODE 13 : OPÉRATION DE SURVEILLANCE
DIMANCHE 14 FÉVRIER 2021


Couloir d'hôpital- Photo istock, libre de droits

 

Depuis plus d'une demi-heure, le commissaire fait les cent pas entre l'accueil et la porte d'entrée de l'hôpital de Vannes. Il les voit franchir le seuil. Enfin ! Ce n'est pas trop tôt. 

Le commissaire Vétoldi réfrène son envie de leur faire une remarque. À quoi cela servirait-il ? Sinon à déclencher un processus négatif dans leur relation qui jusqu'à présent est plutôt réussie, si du moins il se fie à ce qu'il ressent, lui. 

— Bonjour commissaire, je me suis permis d'amener Erwan, il n'a encore jamais participé à une opération de surveillance, ce pourra lui être utile pour sa formation.

— Tu as eu raison, Georges, c'est une bonne idée. Venez, je vais vous expliquer de quoi il s'agit. 

Dominique Vétoldi les entraîne vers la cafétéria qui, depuis la fermeture du buffet, est devenue un coin plus que calme. Devant l'automate, il leur propose un café, Georges accepte et Erwan refuse poliment. Le commissaire enclenche la machine pour deux expresso. 

Il saisit les gobelets, en donne un à Georges et désigne une table haute qui comme elle est scellée au sol a échappé à l'embarquement. Ils sont seuls dans cette zone située un peu à l'écart de l'accueil. En quelques mots, il leur explique la situation et la nécessité qui en découle d'assurer la surveillance de la patiente, Isabelle Demurget.

— Le directeur m'a informé que la porte de sa chambre serait verrouillée en permanence. Avant de partir, je vais m'assurer que personne en dehors de l'équipe soignante ne pourra accéder à cette patiente. Je vais dire à la cadre de santé qu'en aucun cas une intérimaire pourra être affectée à ses soins. Donc, nous devrions être tranquilles de ce côté-là. Vous allez travailler de concert avec les deux vigiles de l'hôpital, je vais vous présenter au vigile qui est chargé de surveiller l'entrée principale. 

Ils font les quelque mètres qui les séparent de Johny Demanche.

— Salut Johny, voici les policiers qui vont te seconder pour la surveillance des entrées. 

— Bonjour les gars  ! Monsieur le commissaire, vous pouvez compter sur moi, je vais les coacher.

Johny est visiblement fier de la mission que lui confie le commissaire. Décidément ce poulet-là ne fait rien comme les autres flics, il lui fait confiance et c'est plutôt agréable. Alors que le commissaire Vétoldi s'est déjà éloigné en prenant la direction des étages, Johny informe ses acolytes :

— Alors, voilà comment ça se présente : Moi, je suis de garde à la porte principale, il reste deux accès possibles : La porte qui mène vers l'appartement du directeur qui en principe reste fermée à clé mais qui ne l'est pas toujours et la porte de secours au cas où elle aurait été ouverte de l'intérieur. Je vais prévenir mon collègue pour qu'il vienne me remplacer ici et ensuite, je vous montre les autres portes, ça vous va ?

— Oui tout à fait.

Georges, gardien de la paix chevronné, acquiesce à la proposition. Erwan quant à lui, ne bronche pas, il pense qu'il n'est pas en position de donner son avis et que sa seule préoccupation est de suivre en tous points le comportement de Georges qui lui, connaît les us et coutumes de la police, au vu son ancienneté. 

Une fois que son collègue l'a rejoint, il emmène les deux policiers vers la porte des livraisons puis vers la porte qui permet d'accéder à un escalier privatif qui monte à l'appartement du directeur. 

Pendant ce temps, le commissaire Vétoldi se rend à l'étage de la chambre d'Isabelle Demurget. La porte du bureau des infirmiers est fermée, il frappe et entre.

— Excusez-moi de vous déranger, on s'est vus tout à l'heure avec le docteur Planque. Comme vous le savez, je suis responsable de la sécurité de Madame Demurget. Le docteur Planque m'a affirmé que la chambre de cette patiente serait constamment fermée, êtes-vous au courant ? 

— Oui tout à fait, et d'ailleurs, cela va compliquer le travail des soignants, parce que ça voudra dire qu'ils devront avoir un pass en permanence sur eux. 

— C'est absolument nécessaire, Madame Demurget est en danger, elle a été sauvagement agressée et ses agresseurs, dès qu'ils auront appris qu'elle est hospitalisée ici, vont essayer de l'atteindre. 

— Mais enfin, pourquoi ne sont-ils pas mis hors d'état de nuire ?

— Nous ignorons leur identité ; sinon, ils auraient été arrêtés.

— Elle n'est pas capable de vous donner une description de ces individus ? 

— Madame Demurget a perdu la mémoire à la suite du grave choc qu'elle a subi. Vous n'avez pas pris connaissance de son dossier médical ? 

— Si vous croyez que je n'ai que ça à faire ! Ce n'est pas à moi de suivre les malades, moi, en tant que cadre de santé, j'organise le travail de l'équipe soignante et croyez-moi, ce n'est pas facile, entre les absents, les vacances et les écoles fermées... Là, pour demain, il faut que je trouve des intérimaires et c'est la discussion avec le directeur à chaque fois parce qu'il a du mal à desserrer les cordons de la bourse. On fonctionne en sous-effectifs, ce n'est plus possible, moi j'ai des infirmières au bord du burn-out !

— Justement à propos des intérimaires, je voudrais insister, mais il ne faut en aucun cas mettre une intérimaire auprès de Madame Demurget sauf si vous la connaissez et qu'elle a déjà fait des remplacements ici. 

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire, encore ? 

— Je vous l'ai dit, Madame Demurget est en danger, un agresseur peut se faire passer pour un intérimaire. Je suis bien placé pour savoir que si vous vous baladez en blouse blanche dans le couloir d'un hôpital[i], personne ne vous posera de questions.  

Nicole Kushner regarde le commissaire Vétoldi. Il a l'air soucieux, il plisse le front et s'efforce de la convaincre de la justesse de ses paroles. Elle a envie de l'envoyer promener. Assurer la sécurité des malades n'est pas de son ressort, elle doit les faire soigner et c'est déjà suffisamment compliqué avec la pénurie de personnel, alors quant à organiser leur surveillance sécuritaire, il lui semble que c'est le boulot de la police, justement et pas le sien.  

— Pourquoi vous ne placez pas un de vos policiers en permanence devant la porte de sa chambre ? Il me semble que c'est ce qui avait été organisé, il n'y a pas si longtemps.

— Je suis désolé mais actuellement mes effectifs ne me le permettent pas, c'est pour cette raison que je suis contraint de faire appel à votre collaboration. Croyez bien que j'en suis désolé, je préfèrerais vous décharger de ce souci supplémentaire mais je ne le peux pas. Les contractions de personnel publique et parapublique sont la norme, malheureusement. 

Nicole Kushner soupire longuement puis elle dit :

— Bon, on va faire comme vous le demandez, je m'engage à ce que la porte de chambre de Madame Demurget soit fermée à clef. 

— J'aimerais y faire un tour, je voudrais vérifier ce qu'il en est du côté de la fenêtre.

— Mais enfin, commissaire, vous y étiez tout à l'heure et le docteur Planque a interdit toute visite.

Obligé de s'expliquer comme un vulgaire collégien pris en faute, le commissaire reconnaît : 

— Je suis resté dix petites minutes pour tenter d'obtenir de la part de Madame Demurget, des informations sur ses agresseurs ; je n'ai pas eu le temps de regarder sur quel endroit donnait sa fenêtre.  

— Bon, bon, je vous y accompagne mais si jamais le docteur Planque l'append, je vous préviens, je ne cous couvrirai pas et je prétendrai que vous m'y avez contraint ! 

Le commissaire ne répond rien, d'ailleurs, que pourrait-il répondre ? Il est content d'avoir l'occasion de retourner voir Isabelle Demurget et c'est ça qui compte. Nicole Kushner se lève, prend le trousseau de clé posé devant elle, à côté de l'ordinateur et accompagne le commissaire Vétoldi. Quand ils arrivent devant la porte de la chambre, elle est fermée. Voilà un bon point pour le docteur Planque qui a appliqué immédiatement ses consignes. Madame Kushner sort son pass et ouvre, le commissaire Vétoldi se glisse derrière elle. 

En constatant que la malade est assoupie, elle chuchote :

— Bon, vous avez besoin de combien de temps ?

— Une dizaine de minutes.

— D'accord, je reviens tout à l'heure. 

— Merci

Le commissaire attend qu'elle soit sortie, puis il se dirige vers la fenêtre, il l'ouvre et regarde. Tout va bien, aucun arbre sur lequel un agresseur pourrait se percher pour rejoindre la fenêtre, pas d'échelle appliquée contre le mur. L'accès ne serait possible qu'à un alpiniste très entraîné et encore, les prises sur ce mur droit et lisse ne sont pas évidentes. En plus, si le fenêtre n'est pas ouverte...Cela paraît impossible. 

Rassuré, il referme la fenêtre. Le bruit qu'il fait réveille la patiente qui crie, affolée : 

— Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? 

— Vous me connaissez, on s'est vus tout à l'heure. Je suis le commissaire Vétoldi, je suis venu vérifier que personne ne pouvait accéder à votre chambre en passant par la fenêtre.

— Ah oui, je me souviens ! Re-bonjour commissaire, vous avez pris un abonnement pour la journée ? 

— Oui, c'est ça. Excusez-moi mais quand je suis venu, je n'ai pas pris des nouvelles de votre santé, je ne pensais qu'à tenter d'apprendre des informations sur ce qui vous est arrivé. Comment vous sentez-vous ?

— Fatiguée, extrêmement fatiguée. Par moments, je me sens partir et je me demande si je ne préfèrerais pas mourir que d'être ici, la tête vide, à ne me souvenir de rien. 

— Vous vous souvenez de moi, votre mémoire à court terme est intacte. La mémoire à long terme vous reviendra et avec elle, tout ce qui vous est arrivé. Vous m'avez déjà transmis une information sur le fait que très probablement vous avez été agressée alors que vous circuliez à vélo. Je vais vérifier si un vélo n'aurait pas été ramassé par les agences départementales de l'entretien des routes il y a quelques semaines. Si ce n'est pas le cas, j'étendrai ma recherche aux départements voisins.

— Quelques semaines... Ça veut dire que vous pensez que j'ai pu être retenue prisonnière pendant tout ce temps ?

— Oui,  le médecin légiste dit que vous avez été droguée constamment. C'est aussi pour cette raison que vous n'avez pas de souvenir.

— Peut-être, mais je devrais me rappeler ce que je faisais avant l'agression. Je devais travailler, mener une vie normale, j'avais peut-être un compagnon... 

— Rassurez-vous, je vais aussi répertorier les plaintes déposées pour disparition inquiétante pour savoir si une de ces plaintes ne vous correspondrait pas. Nous retrouverons votre identité et votre famille si vous en avez une. 

— Ma famille... 

Isabelle Demurget se passe la main sur le front, elle s'est redressée et elle est assise appuyée sur les oreillers, toujours aussi pâle, le regard perdu, les cernes gris, les joues creuses. 

Le commissaire Vétoldi a le cœur qui se serre.

— Je vais devoir vous laisser. Voici un bloc-notes et un stylo, je les pose sur votre table de chevet. Si jamais une image vous revenait, peu importe qu'elle vous paraisse avoir ou non un rapport avec votre enlèvement. Notez tout souvenir qui réapparaîtrait dans votre mémoire et vous m'en ferez part lorsque je repasserai vous voir ou bien si vous vous en sentez la force, appelez-moi à toute heure du jour ou de la nuit, je vous laisse ma carte de visite. 

— D'accord, merci beaucoup, commissaire.

Isabelle Demurget sourit faiblement. S'il n'y avait pas ces maudites consignes sanitaires, le commissaire Vétoldi aurait fait un geste, il sait combien le contact physique p


articipe à rassurer. Il lui aurait tapoter la main par exemple. Il la regarde une dernière fois avant de  sortir de la chambre. devant la porte, dans le couloir, il attend quelque instants la venue de la surveillante... 


À Suivre... prochain épisode le Dimanche 21 Février 2021


[i] [i] Voir le roman, Le Ruban rouge, éditions Librinova, en vente sur les plateformes en ligne.

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